
Quel objet étrange que cet essai-collage-enquête publié aux Éditions du Remue-ménage et présenté comme un « documentaire indiscipliné » qui emporte lectrices et lecteurs sur les traces du collectif qui donne son nom à l’ouvrage : La Coalition de la Robe. Si l’on croit tenir dans ses mains un portrait méthodique de ce collectif féministe qui agit dans l’anonymat en prenant la parole dans divers événements théâtraux, on se rend vite compte de son erreur. La présence de la Coalition nourrit plutôt le point de départ d’une réflexion personnelle sur la place des femmes au théâtre et sur la scène culturelle dans une œuvre que l’on peut trouver éclectique, mais qui trouvera certainement écho chez plusieurs en cette période de prise de parole, alors qu’on ose enfin dénoncer l’innommable.
À l’origine du projet, trois amies diplômées de l’école de théâtre du cégep de Saint-Hyacinthe : Marie-Claude Garneau, Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent. Si deux d’entre elles exercent toujours le métier de comédienne, en plus de celui d’auteures, la troisième est doctorante à l’Université d’Ottawa et poursuit des recherches sur la dramaturgie féministe. Leur publication en trois mouvements présente de façon morcelée leur (en)quête féministe : de l’éveil de leur conscience au dialogue et à la critique d’un paysage théâtral où la place des femmes est toujours à faire et où la parole féministe doit la plupart du temps défendre sa légitimité. Plusieurs questions sont posées : de la rareté des rôles féminins qui existent en dehors du regard masculin à la place du genre dans certains rôles de répertoire, en passant par le triste destin des œuvres féministes et féminines du XXe siècle écartées des scènes québécoises contemporaines.
Si j’ai mis du temps avant d’être happée par cet essai, dont j’ai eu parfois du mal à bien saisir le propos, le furieux besoin d’engagement des auteures a fini par me séduire par son impétuosité, mais aussi son message d’espoir pour la nouvelle génération qui prend d’assaut les théâtres et les tribunes. L’appel à l’engagement et à la mobilisation, qui s’inscrit en marge des activités du mouvement Femmes pour l’équité en théâtre, rappelle les luttes pas si lointaines des sorcières en nef et des fées assoiffées, réclamant sur nos scènes l’espace que les anciennes avaient exigé dans notre société.
Et la mystérieuse Coalition de la Robe, dans tout cela? Difficile à décrire, puisque insaisissable. C’est son rapport avec les auteures, dont elle croise les chemins à différents moments de leur prise de conscience, qui m’a davantage interpellée. Ses actions traversent le livre et en sont d’abord la source, et l’on sent bien qu’elle a habité les auteures et provoqué chez elles « un désir d’engagement profond et d’investissement total envers l’art et les féminismes pour l’avenir ».
Marie-Claude Garneau, Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent, La Coalition de la Robe, Les Éditions du Remue-ménage, 2017, 144 p.