
Québec a finalement annoncé ses intentions en matière de légalisation du cannabis : la Société québécoise du cannabis (SQC) sera créée afin de voir à la vente sécuritaire de ce produit. Il s’agit d’une excellente nouvelle, conforme aux recommandations des experts en santé et en sécurité publique. Créer une société d’État envoie le message que la vente du cannabis ne sera pas soumise à des pressions commerciales indues et que les objectifs de prévention et d’éducation à de saines habitudes de consommation sont pris au sérieux.
Il sera ainsi possible d’offrir un encadrement pour la vente qui permette que le personnel soit adéquatement formé et que des tests de qualité rigoureux sur les produits soient effectués de manière systématique.
Le diable est dans les détails
Le projet de loi 157 comprend cependant une série de défauts qui pourraient s’avérer dommageables à long terme. D’abord, selon la structure de gouvernance, le ministère de la Santé n’aura pas la responsabilité de la SQC. Ce rôle reviendra au ministère des Finances qui mettra en place les directives et les objectifs de cette société d’État. Il est alors à craindre que les pressions de nature budgétaire prennent le dessus sur les enjeux de santé, comme le montrent des exemples récemment observés à la SAQ et à Loto-Québec.
Le projet de loi prévoit également la création d’un fonds spécial, alimenté à même les profits sur la vente qu’enregistrera la SQC, afin de financer la recherche sur le cannabis et des campagnes de prévention. Comme il appartiendra au ministère des Finances de décider si certains excédants seront rapatriés au fonds général du gouvernement, on court le risque que les enjeux budgétaires aient préséance sur la santé.
Un autre problème inhérent au projet de loi est l’interdiction que des employés et des employées de la SAQ fassent à la fois partie du personnel de la SQC. Une telle interdiction risque de bloquer d’importants gains d’efficacité que la mise en commun des ressources de transport, d’entreposage et de laboratoire aurait permise. S’il est raisonnable de vouloir limiter la co-implantation du cannabis et de l’alcool dans les mêmes magasins, limiter l’utilisation conjointe de ressources en amont de la vente est tout bonnement incompréhensible.
Finalement, le projet de loi prévoit déjà la possibilité de créer des projets pilotes afin d’explorer les possibilités de vente au détail par l’entreprise privée. Cette disposition jette déjà les bases d’un affaiblissement du modèle SQC. Le choix de créer une société d’État repose sur l’idée que les logiques marchandes ne peuvent cohabiter avec les objectifs de santé. Permettre la mise en place de projets pilotes pour aménager une place au secteur privé revient à atténuer les chances de succès de la politique de légalisation.
Il reste à voir quels changements seront apportés au projet de loi d’ici à son adoption. Des améliorations allant dans le sens d’un élargissement du rôle décisionnel et des responsabilités du ministère de la Santé seraient un minimum afin d’atténuer les risques de dérives commerciales.