Actualité

FAIRE CONTREPOIDS À LA CULTURE DU VIOL

Par Marie-Christine Pinel le 2018/01
Image
Actualité

FAIRE CONTREPOIDS À LA CULTURE DU VIOL

Par Marie-Christine Pinel le 2018/01

Si on comprenait ce que c’est que faire de l’éducation sexuelle. Si on connaissait mieux le développement psychosexuel de l’enfant, si on pouvait distinguer les comportements sains des comportements problématiques et répondre aux questions des jeunes.

Si on avait confiance en nos moyens, si on arrêtait d’attendre ces situations « cauchemars » pour créer des espaces de paroles dans nos familles, nos garderies, nos classes, nos maisons de jeunes. 

Si on arrêtait d’attendre l’imposition des cours d’éducation sexuelle obligatoires dans les écoles, de l’argent supplémentaire, des mesures structurantes. Si on pouvait intervenir auprès de nos enfants, de nos élèves, dans la vie de tous les jours.

Pas besoin d’être maître-nageur pour apprendre à nager à son enfant, pas besoin d’être sexologue pour accompagner son développement sexuel

À cette étape, j’ai envie de présenter deux situations, trop souvent vécues, génératrices de difficultés.

Enfant, vous avez déjà « joué au docteur » avec un frère, une cousine, un voisin? « Avec Mimi, on s’est fait une cachette et puis on se montrait nos parties intimes. Je trouvais ça bizarre, Mimi elle a pas de pénis, elle. Maman est arrivée, elle a crié très fort : ‟Qu’est-ce que vous faites là?ˮ J’ai eu peur. J’ai eu trop peur. » Y aurait-il d’autres manières d’intervenir pour rassurer l’enfant, normaliser les jeux d’exploration, tout en enseignant la notion d’intimité?

Vous avez déjà vécu une situation où on vous faisait des choses que vous ne vouliez pas, mais vous en retiriez un plaisir trouble, de la gêne et de la peur? « Monsieur Leblanc me touche là où ça chatouille et il met son truc sur ma bouche. J’aime pas ça nos secrets, ça me serre dedans. Quand je l’ai dit à maman, elle a pleuré. Le policier m’a dit : ‟J’aurais besoin que tu m’expliques mieux ce que tu fais avec M. Leblanc, que tu utilises les bons mots pour me raconter.ˮ Je ne les connais pas, les bons mots. Est-ce que ça va arrêter, parce que j’aime pas ça. »

Enseigner les bons mots pour nommer la sexualité, les parties intimes, c’est prévenir les abus sexuels.

Développer ses compétences et faire partie de la solution

Parce que la sexualité, c’est plus que faire le sexe, c’est cette dimension qui recèle nos identités, nos sensibilités, c’est la célébration de la joie et du plaisir dans la chair, c’est le lieu de nos premiers questionnements hautement philosophiques : « J’étais où avant d’être né? » ou encore dans sa formule la plus courante : « Comment on fait les bébés? »

Parce que des siècles de mensonges nous séparent de la santé sexuelle et qu’après nous être affranchis des dictats de l’église, nous voilà de nouveau enfermés, cette fois-ci, dans l’industrie mensongère de la publicité et de la pornographie.

Parce que lorsque la sexualité devient quelque chose à faire, à performer, à reproduire, elle devient source de stress, de douleurs, d’incompréhensions, d’abus.

Parce qu’il n’y a pas d’abuseur sans abusé et qu’un des obstacles majeurs au consentement est la difficulté à parler de sexualité. Comment exprimer ses désirs, ses peurs, ses besoins, ses limites, quand les mots restent coincés dans la gorge avec l’idée folle que ces choses ne se disent pas, pas comme ça, pas maintenant? Comment parler de ces choses sans craindre le ridicule, sans perdre la face, perdre le timing? Alors on se tait et on fait.

Comment parler de sexualité sans trembler?

Faire fondre les malaises et développer les compétences pour savoir intervenir en matière de sexualité : c’est précisément le projet que je me suis donné. Et c’est dans cet esprit que j’ai cofondé Unisexéducation, pour permettre aux parents, aux enseignants, aux éducatrices en garderie, aux intervenants jeunesse d’acquérir les connaissances requises et le savoir-être pour accompagner les jeunes, afin qu’ils deviennent assez confiants pour saisir les occasions qui se présentent dans leur quotidien et changent le cours des choses. Les formations offertes en ligne sont accessibles en tout temps, ce qui permet d’éliminer les frais de déplacement et surtout de remplacement. 

Si on devenait coresponsables, libres et aimants, si on portait des valeurs de bienveillance, de respect, de curiosité, de plaisir, si on osait en parler, peut-être que nos jeunes seraient moins seuls avec leurs questions et Internet pour leur enseigner. Peut-être y aurait-il moins de sexualité « pornographiée », performée, génératrice de comportements abusifs?

Marie-Christine Pinel est sexologue et directrice générale de unisexeduction.com.

 

Partager l'article

Image

Voir l'article précédent

Un Conseil des Sherbrookoises? Pourquoi pas!

Voir l'article suivant

Bon pauvre bon riche