
Les allégations d’agressions et d’inconduites sexuelles qui secouent plusieurs milieux depuis les derniers mois ont suscité à juste titre de multiples discussions et débats sur l’éducation sexuelle qui devrait être offerte dans les écoles.
Le ministère de l’Éducation a mis sur pied en 2015 un projet pilote en éducation à la sexualité, et jusqu’ici les quatre commissions scolaires du Bas-Saint-Laurent ont inscrit une soixantaine d’écoles dans ce projet, soit plus du tiers des écoles participantes de toute la province. Ce succès repose sur beaucoup de travail en amont, et il me semble pertinent d’expliquer aux parents et aux citoyens en quoi consiste ce projet, pourquoi il est indispensable et ce qui rend notre région « championne » au Québec en la matière.
Pour une formation obligatoire
Je travaille comme médecin clinicienne à Rimouski et, depuis bientôt 20 ans, je suis également médecin-conseil en santé publique dans les dossiers des agressions sexuelles et de la violence dans les relations amoureuses. Tout comme mes collègues de santé publique, je crois qu’un enseignement complet en éducation sexuelle, avec un contenu obligatoire allant du préscolaire jusqu’à la cinquième année du secondaire, constitue le principal moyen de prévenir et de diminuer les agressions sexuelles, la violence et le contrôle dans les relations amoureuses, et de limiter le nombre de grossesses non désirées et la propagation des ITSS. Les jeunes qui auront accès à un tel enseignement seront davantage en santé, sur les plans physique et psychologique, auront une meilleure estime d’eux-mêmes et seront sans doute plus respectueux dans leurs relations avec les autres.
Après la disparition des cours de formation personnelle et sociale (FPS) en 2001, la Direction de la santé publique du Bas-Saint-Laurent a mis sur pied en 2007 un projet pilote régional. Le but était d’intégrer, à l’aide de sexologues, des contenus en éducation à la sexualité dans les écoles. À l’époque, deux commissions scolaires sur quatre ont accepté avec enthousiasme d’y participer et, depuis l’an dernier, nous sommes heureux d’enfin compter comme partenaires les quatre commissions scolaires. C’est ce travail en amont et en partenariat qui explique le grand nombre d’écoles pilotes du Bas-Saint-Laurent inscrites dans l’actuel projet du ministère de l’Éducation.
Trois personnes formées en sexologie et une conseillère pédagogique sont présentement impliquées dans les quatre commissions scolaires. Il s’agit de personnes-ressources essentielles qui accompagnent les milieux scolaires dans la mise en œuvre du projet. Dès le départ, elles ont rencontré tout le personnel des différentes écoles participantes afin d’expliquer en quoi consiste une démarche d’éducation à la sexualité, de répondre aux questions et de diminuer de façon importante les appréhensions. Elles sont en lien avec les intervenants du ministère de l’Éducation afin de planifier le contenu à offrir selon l’âge. Elles font équipe avec les directions ainsi qu’avec les conseillères pédagogiques et les enseignants. Elles collaborent avec les infirmières et les intervenants sociaux scolaires ainsi qu’avec les organismes communautaires de la région afin de s’entendre sur la manière de donner le contenu, de façon à tenir compte de la réalité locale de chacune des écoles.
Des cours de sexe?
On semble noter une certaine inquiétude provenant des milieux scolaires à l’idée de les rendre responsables de ce nouveau contenu obligatoire, contenu qui tombe dans une cour déjà pleine et qui touche un sujet sensible. Il est toutefois important de distinguer le « sexe » et la sexualité humaine. Un enseignement en sexualité n’est pas un cours de « sexe », cet enseignement est basé sur le savoir-être, sur la connaissance des différentes dimensions de la sexualité, de façon à aider les jeunes à mieux se définir dans leur sexualité en devenir. Il est aussi important de préciser que les cours peuvent être donnés par les enseignants pour certains sujets plus faciles à aborder, mais pour des sujets plus délicats ou sensibles, ils peuvent être donnés en collaboration avec les professionnels présents dans les écoles (psychologues, travailleurs sociaux et infirmières scolaires, animateurs de vie spirituelle et d’engagement communautaire) et avec des partenaires de la communauté, dont les organismes communautaires.
L’éducation à la sexualité est un véritable travail d’équipe. Il est grand temps de donner aux jeunes cet enseignement auquel ils ont droit. Nous sommes très heureux de voir que les enfants et les adolescents de notre région y auront enfin accès et nous encourageons le reste du Québec à se donner les moyens de relever ce nouveau défi.
Dominique Bourassa est
Médecin-conseil pour les dossiers violence et agression sexuelle au CISSS Bas-St-Laurent