
J’ai découvert François Guerrette avec Pleurer ne sauvera pas les étoiles et, depuis, je ne cesse d’y revenir. Ce recueil est d’une beauté incommensurable, prouvant à tous que ce que la littérature a fait de mieux, c’est la poésie.
Si j’en parle encore, c’est que j’ai l’impression que Guerrette, avec ce recueil, a donné le meilleur de lui-même et que nous, lecteur et lectrices, en avons abusé.
Dans Les oiseaux parlent au passé, le premier recueil de Guerrette, le narrateur est tourné sur lui-même, intériorise plusieurs sujets qui reviendront dans ses autres recueils de poésie : la guerre, l’amour, la fin du monde.
Puis avec Pleurer ne sauvera pas les étoiles, le narrateur est généreux, inclusif, prêt à tout donner pour celui qui le voudra :
devant mon reflet déposé
à l’étage des objets perdus
je ne respire plus je cherche
une bonne nouvelle à répandre
Alors que dans Constellation des grands brûlés, le narrateur semble meurtri, nerveux de se faire blesser une fois de trop :
les pluies violentes apaisent
sur nous les zones de combat
nous luttons contre
les symptômes d’une euthanasie
notre chair, une muraille
écroulée sous le poids des graffitis
Que s’est-il passé entre les deux?
Il y a eu, d’une part, Mes ancêtres reviendront de la guerre et, d’autre part, un public haletant et trépignant qui attendait de lire ce que Guerrette avait à offrir après son merveilleux Pleurer ne sauvera pas les étoiles.
Dans son dernier recueil, plus que dans tous les autres, l’adresse à une personne précise, un « tu » féminin dont le narrateur est visiblement amoureux, lui permet d’avoir le courage « de tuer, d’être tué ou de [se] mettre à genoux pour devenir une grande personne ».
ne pas tuer est un métier
mes poings sont des refrains en cage
ils communiquent par la peur
les tient se lèvent et composent
dans les airs un traité d’insoumission
nous avons dépassé le dénouement
l’effondrement des mondes
notre besoin d’attentats est immense
Or, il me semble que ce « tu » en cache un autre, celui du lecteur qui a aimé Pleurer ne sauvera pas les étoiles et qui en a fait un best-seller de poésie, mais qui n’a pas vu la « donation de soi » que l’auteur y opérait, boudant ainsi l’héritage de Mes ancêtres reviendront de la guerre.
Du moins, c’est l’impression que j’ai en lisant certains poèmes de Constellation des grands brûlés :
nous reconstruirons souvent
notre patrimoine de plaies vives, ta langue
dans ma bouche charge au fusil
incontrôlable
tu tires sur tout ce qui fait mal
surtout sur nous, portés disparus
À la fois amoureux et ennemi de la poésie de Guerrette, c’est ainsi que je me décrirais. Et malheureusement, je recherche beaucoup plus une faille dans sa poésie que je me laisse la possibilité d’en être émerveillé.
au bout de la tempête entonnoir
les moucherons attirés
par les déchets dans les trous de mémoire
ont le vertige et la solution
aux épidémies à venir
l’émerveillement
notre unique monnaie d’échange
pour survivre aux lents combats
de couleuvres dans nos cervelles de sable
Je me pose la question suivante : aurais-je brûlé mon étoile?