
Enseignante en littérature au Collège Bois-de-Boulogne, Catherine Eve Groleau a fait paraître, cet automne chez Boréal, Johnny, son premier roman.
Le Johnny du livre, c’est un bel étranger venu de nulle part, un homme apparemment différent de tous les pathétiques machistes d’après-guerre et dont toutes les femmes tombent amoureuses. Plus loin dans le roman, Johnny incarnera ce triste cliché du mauvais garçon, sombre et séducteur, qui parle peu et qui accumule les conquêtes. Malheureusement, la narration omnisciente rend difficile l’attachement au personnage de Johnny, qui nous apparaît plutôt sans intérêt.
Le vrai nom de Johnny, c’est Jean. Il naît à Odanak, près de Trois-Rivières, de parents autochtones et grandit en pratiquant la chasse et la pêche dans l’immensité de la nature. Il évolue tranquillement au sein de sa communauté, mais n’y entrevoit pas un avenir prometteur.
Dès son arrivée à Montréal, au début de la vingtaine, on le prend pour un Italien avec son teint foncé, ses yeux sombres et ses cheveux couleur corbeau. Nier ses origines lui permettra de gravir modestement les échelons de la petite pègre montréalaise, et de devenir Johnny, celui qui multiplie les coups et les méfaits mineurs pour le compte des Italiens.
Au volant de sa Maserati, il croisera la route de la charmante Valentine, issue des quartiers pauvres du sud de la ville, avec qui il se mariera. À l’instar de la triste Florentine de Bonheur d’occasion, Valentine de Ville-Émard est habitée par des rêves de vie meilleure. Amoureuse de l’amour, elle tente de fuir un quotidien misérable, des parents oppressants et un avenir pathétique dans les bras du ténébreux Johnny. Comble du tragique : la rencontre de ces deux êtres brisés viendra marquer le début de leur déchéance respective.
L’histoire de Valentine et de Johnny est celle de deux amoureux brisés par l’amour et par l’insouciance de leur jeunesse.
D’abord trahie par un mari volage et menteur, Valentine quittera Johnny qui sombrera dans les vices clichés de l’autochtone typique : alcool, drogues, violence… Au grand regret du lecteur, Catherine Eve Groleau présente grossièrement un Indien à problèmes qui se sent prisonnier de la ville, déraciné de sa réserve, et dont l’esprit s’apaisera en campagne, un Indien qui perdra tout et dont la chute sera brutale et tragique.
L’auteure présente aussi un personnage féminin faible et inférieur, désolant, sans pouvoir sur sa propre condition, qui se sentira toujours pauvre, malgré l’argent qu’elle finira par accumuler. Elle ne réussira jamais à trouver sa place parmi les femmes fortunées de Québec et du Château Bonne Entente : la pauvreté lui collera à la peau toute sa vie comme une tache, à l’instar de l’héroïne de Gabrielle Roy.
Malheureusement, Catherine Eve Groleau ne nous offre rien de franchement nouveau avec ce roman paru en septembre chez Boréal. En 200 pages, pas mauvaises mais pas excellentes, elle explore les thèmes rabâchés du déracinement, de la famille éclatée, de la filiation, du rapport trouble aux origines et de la condition tragique des marginaux. La rencontre de Johnny et Valentine est banale, et leur destin, tout à fait prévisible. Des existences grises maintes fois présentées dans la littérature québécoise.