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Changer la ville pour changer le monde

Par Rémy Bourdillon le 2017/11
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Changer la ville pour changer le monde

Par Rémy Bourdillon le 2017/11

Soirée automnale au café Le Moussonneur. Une trentaine de personnes sont venues fêter le premier anniversaire du groupe Rimouski en transition. Pourtant, on parle de choses graves : les changements climatiques sont aujourd’hui clairement visibles, l’âge du pétrole touche à sa fin, c’est même toute notre civilisation qui risque l’effondrement. Dans l’assistance, le jeune Léandre, huit ans maximum, demande la parole : « On pourrait inventer un petit cristal qui crée de l’énergie en vibrant grâce à l’énergie statique. » Une fois les rires attendris passés, Serge Mongeau, conférencier invité pour souligner l’anniversaire, répond le plus sérieusement du monde : « Tu soulèves un des problèmes de notre époque : on pense toujours qu’on va trouver des solutions technologiques à nos problèmes. Est-ce qu’on ne pourrait pas plutôt réduire notre consommation d’énergie? »

Serge Mongeau est un apôtre de la décroissance et de la simplicité volontaire. Sévère critique de nos gouvernements, qui « ne font rien » à part la « gestion sur quatre ans », il est convaincu que les communautés doivent se reprendre en main, mais c’est à chacune d’elles de déterminer ses besoins. « On ne veut surtout pas arriver avec un mouvement complet » qui fixerait en amont les buts à atteindre et les moyens pour le faire. Bref, « il ne faut pas tomber dans les travers de notre pseudo-démocratie », soutient-il.

Le groupe citoyen Rimouski en transition s’inscrit dans cette idéologie. Il a été formé par quelques personnes tombées sous le charme du documentaire français Demain, qui recense aux quatre coins du monde des initiatives tentant de résoudre des problèmes environnementaux et sociaux. Après un an d’existence, on pourrait définir Rimouski en transition comme une plateforme qui facilite le lancement d’initiatives telles que celles qui apparaissent dans ce film. Le but est d’attirer l’attention de la population et de la sensibiliser à l’existence de nouvelles solutions.

Sur le tout nouveau site du mouvement, on trouve quelques initiatives citoyennes, comme les Incroyables comestibles, qui ont installé au centre-ville huit bacs à légumes ouverts à la cueillette. Un autre comité travaille à la mise en place d’une monnaie locale. Le collectif Lèche-Babines, lui, a mis en place un frigo communautaire à l’UQAR, où chacun est libre d’offrir de la nourriture ou de se servir. « L’idée, c’est d’amener les gens à se parler, à constituer des réseaux », explique Annie Cayouette, une des fondatrices de Rimouski en transition. Des projections de films et des forums sont également organisés.

La transition, pas à pas

Rimouski en transition s’inscrit dans un mouvement plus large, celui des villes en transition instauré par le Britannique Rob Hopkins. Son Manuel de transition sera d’ailleurs souvent cité lors de la soirée au Moussonneur. L’ouvrage décrit les étapes de la transition : former un groupe de pilotage temporaire, sensibiliser, organiser un « grand lancement » – sorte de fête populaire consacrant la volonté de la communauté de s’engager sur la voie de la transition –, former des groupes de travail et enfin rédiger un plan d’action de descente énergétique, un document synthèse qui définit des objectifs à plus ou moins long terme et les différentes étapes pour y parvenir. À Rimouski, on a déjà commencé à former des groupes de travail, mais le « grand lancement » se fait encore attendre.

On peut toutefois se demander s’il ne manque pas une étape à ce processus : celui de la pression sur le monde politique afin que les changements demandés par la population deviennent réalité en dépit des réticences du pouvoir économique. Cultiver ses propres légumes, manger bio et faire du vélo sont certes d’excellents débuts, mais pour lutter contre le changement climatique, il faudra un jour adopter des politiques contraignantes qui fâcheront les puissants de ce monde. On peut douter que le positivisme du film Demain suffise pour surmonter la tempête à venir.

Serge Mongeau, fidèle à sa vision axée vers la communauté, pense qu’il faut investir le palier municipal, qui est le plus près du citoyen. Pourtant, vous ne verrez pas Rimouski en transition prendre position pendant la campagne électorale municipale : le groupe se dit apolitique et cherche plutôt à créer les conditions du changement en sensibilisant les citoyens. « On n’est pas dans un esprit militant, dit Annie Cayouette. On ne peut pas faire de monnaie locale sans l’aide de la Ville. » La Ville de Rimouski a d’ailleurs collaboré au projet des Incroyables comestibles. Il sera intéressant de voir si la bienveillance des édiles perdurera si le mouvement continue de gagner en importance et sensibilise un peu trop les citoyens à l’impasse de notre système économique…

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