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La droite remonte dans le ring

Par Dave Gagnon le 2017/09
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La droite remonte dans le ring

Par Dave Gagnon le 2017/09

À l’ère de Trump et de la politique spectacle, la lutte est plus que jamais le théâtre des craintes et des frustrations du peuple américain.

Prenons l’exemple du lutteur américain Daniel Richards, The Progressive Liberal, qui sévit présentement dans les états sudistes, suscitant la haine de la poignée de rednecks venant le voir dans des galas de petite envergure. The Progressive Liberal s’en prend au culte des fusils, au drapeau des confédérés et aux républicains. Il perd la majorité de ses combats, à la grande joie de ceux qui aiment huer ce supposé admirateur de Hillary Clinton. Il gagne sa vie en profitant du ressentiment qu’éprouve une partie de la population envers la gauche.

Ce genre de héros (ou d’antihéros) est un phénomène courant dans l’histoire de la lutte, tous pays confondus. Dans les années 50 et 60, on envoyait des Américains se faire battre au Japon par le légendaire Rikidozan, on profitait ainsi de la grogne du peuple japonais à la suite du bombardement d’Hiroshima. Rikidozan n’est devenu rien de moins qu’un héros national dans son pays. Aux États-Unis, dans les années 80, l’exubérant Hulk Hogan, gonflé aux stéroïdes jusqu’aux yeux, était le héros parfait pour faire oublier les années déprimantes du règne de Jimmy Carter et représenter le rêve américain de Ronald Reagan. Pendant des années, il a affronté des vilains venus de l’URSS ou de l’Iran. Il est ainsi devenu une icône de la culture populaire dans les années 80, au même titre que Mister T ou Arnold Schwarzenegger. Aujourd’hui, le lutteur américain Sam Adonis lutte au Mexique avec un drapeau arborant le visage de Trump et exprime haut et fort son souhait de voir un mur séparer les pays voisins.

Ce phénomène, qui avait ralenti lors des dernières années, a trouvé un nouveau souffle avec l’arrivée de Trump au pouvoir. L’ineffable Donald, un membre honoraire du temple de la renommée de la WWE (la plus grande organisation de lutte de la planète), a même recruté l’épouse du grand manitou de la lutte, Linda McMahon, dans son administration. Trump cadre parfaitement avec le monde farfelu de la lutte professionnelle.

Par son style combatif et ses dérives verbales, Trump incarne l’image du bagarreur dans l’arène. L’électorat qui a bu ses paroles lors de l’élection de novembre 2016 constitue une bonne partie de l’auditoire de la lutte professionnelle. Ce n’est pas un hasard si, depuis son élection, les méchants étrangers reviennent à l’avant-plan lors des galas télévisés, provenant même de pays qui ne sont pas naturellement ennemis des États-Unis. Lors d’un gala à la télé payante en juillet, les vaillants héros américains ont dû combattre des méchants venus du Québec (oui), de l’Inde et la Bulgarie. Pour provoquer le public américain, le vilain lutteur du Québec, Kevin Owens, se présente comme le nouveau visage des États-Unis. Lors de ce gala, il a d’ailleurs mis la main sur le championnat des États-Unis, au grand dam des milliers d’amateurs réunis dans l’aréna. Pour les narguer encore plus, Owens a maintenant un chandail à son effigie inspiré de l’image de l’Oncle Sam. Le public est évidemment dégoûté par l’idée qu’un Québécois possède la ceinture représentant leur pays, on peut aisément le comprendre. 

Par ailleurs, les chicanes scénarisées entre les pugilistes sont le reflet parfait des guerres déchirantes que nous voyons quotidiennement sur les réseaux sociaux. Le clivage entre la gauche et la droite entraîne des débats polarisants, à l’image des guerres verbales entre les bons et les méchants de la lutte professionnelle. L’Autre étant, invariablement, le méchant.

Les grandes gueules médiatiques de la droite, les Sean Hannity et Éric Duhaime de ce monde, empruntent le style des matamores du ring. L’information spectacle a beaucoup de parenté avec ce sport spectacle. Et, sans trop de surprise, ces deux disciplines partagent des ennemis communs : les étrangers et les socialistes, pour ne nommer que ceux-là. 

À l’approche de négociations difficiles avec nos voisins du sud sur des dossiers chauds comme le libre-échange et l’immigration, peut-être sera-t-on tenté de créer dans la WWE un personnage diabolique à l’image de Justin Trudeau. Une chose est certaine, le peuple américain continuera, pour quelques années encore, de se défouler en observant le spectacle dans le ring.

 

 

 

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