Champ libre

À la compréhension du temps qui passe

Par Louis Poulain le 2017/09
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Champ libre

À la compréhension du temps qui passe

Par Louis Poulain le 2017/09

Après s’être attaqué à des documentaires sur des personnalités qui auront vécu au tournant de grands bouleversements historiques (une survivante de l’Holocauste, un otage du FLQ), Carl Leblanc nous propose cette fois de rencontrer son père en toute simplicité.

Le commun des mortels dresse ainsi le portrait d’Éverard Leblanc, un homme qui a traversé le 20e siècle au Québec, entre la Gaspésie et la Baie des Chaleurs. Comme nombre de ses contemporains, il aura été l’homme de plusieurs métiers, fervent pratiquant et homme taiseux comme on en fait moins. Éverard a vécu et, même si la grande histoire ne se souviendra pas de lui, il y aura contribué à sa façon et en aura été le témoin.

Les images du cinéaste nous invitent à nous mettre dans la peau des hommes qui ont participé à fonder le Québec d’aujourd’hui. On parle d’une époque où les politiques publiques exhortaient les familles à venir s’établir en région pour y fonder des villages et y faire des enfants. Éverard Leblanc a fait partie de cette mouvance, a grandi à cette époque et a bâti un village dont il est le dernier à se souvenir. Il faut voir cette scène incroyable dans laquelle M. Leblanc revient dans ce village maintenant envahi par la forêt. Il ne reste rien, que quelques fondations en pierres recouvertes de mousse verte.

Suspension du temps

Au-delà de l’évocation de la vie d’Éverard et du temps qui passe, le film prend toute sa dimension en nous questionnant sur notre rapport au temps. Nous passons ainsi de plans rapprochés d’Éverard en fin de vie à des photos, des films touchant différentes étapes de sa vie. Avec une infinie délicatesse et une tendresse certaine, nous sommes témoins de son évolution, de ses espoirs, de ses échecs, de ses réalisations et de ses passions. Lorsqu’arrive sa « fin de vie », son corps cassé, fragile, filmé de front nous renvoie à notre condition de simple mortel (d’où le titre). Impossible de rester de marbre devant cette vie qui passe. Et tant pis si, aujourd’hui, nous ne partageons pas les mêmes valeurs, on reste humble et reconnaissant devant cette évocation de notre condition commune.

Défricheurs anonymes

Qu’est-ce qu’on a accompli? Comment se débrouille-t-on pour traverser les siècles? Quel héritage laissons-nous à nos enfants et quelle société en résulte? C’est à toutes ces questions fondamentales que s’attaque le film de Carl Leblanc. Pour ce faire, le réalisateur inscrit la vie de son père dans la grande histoire de son siècle. On croise ainsi René Lévesque, Fidel Castro et Charles Aznavour, trois contemporains d’Éverard, qui servent de repères temporels. Une belle idée de montage qui permet de prendre la pleine mesure de ce temps fuyant et de ce qui reste de notre passage. Un passage de témoins qui mène à beaucoup d’humilité et qui rend un hommage certain aux bâtisseurs anonymes. Il n’y aura pas d’Éverard Leblanc dans le dictionnaire, mais il survivra à travers nous. À nous de respecter et de transformer son héritage.

Touchant et nécessaire.

Le commun des mortels sera présenté le 14 septembre à 19 h 30 au cinéma Paraloeil de Rimouski.

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