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Que reste-t-il du Printemps érable?

Par François Lapointe le 2017/05
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Que reste-t-il du Printemps érable?

Par François Lapointe le 2017/05

Difficile, voire impossible d’oublier la grève étudiante de 2012, souvent rebaptisé « Printemps érable ». Ceux qui le vivaient de l’extérieur y voyaient soit des étudiants mobilisés par lâcheté et sans grande aspiration au « vrai travail »… ou encore l’éveil politique de la jeune génération. Pour moi qui l’ai vécu de l’intérieur, c’était beaucoup plus un éveil politique et une envie de combattre une menace à notre système d’éducation publique que tout le reste. Cinq ans plus tard, que reste-t-il de 2012? Qu’est-ce qui a disparu et de quoi doit-on se souvenir?

Plusieurs personnes avaient leurs raisons de joindre le mouvement de 2012. Le mouvement avait comme point central la lutte contre la hausse des frais de scolarité. Et le carré rouge était le signe de ralliement. Certes, plusieurs – dont moi – étaient en faveur de la gratuité scolaire et pour de nombreuses autres mesures sociales touchant ou non le milieu de l’éducation, mais au final l’enjeu autour duquel tous étaient d’accord restait la lutte contre la hausse. Je me rappelle encore une rencontre avec une journaliste de TVA au moment où j’étais président de l’Association générale étudiante du campus de Rimouski de l’UQAR à l’automne 2013. Dans un couloir de l’UQAR, elle m’a dit : « Finalement la grève n’a pas donné grand-chose ». Fort heureusement, je ne buvais pas mon café, car je me serais étouffé!

Dans les faits, le mouvement n’a eu « gain » direct sur rien d’autre qu’une loi spéciale. Il ne faut toutefois pas oublier que le gouvernement Charest a tenté d’en faire son cheval de bataille au point de perdre son pari le soir du 4 septembre 2012. Certes, des scandales éclataient de part et d’autre, mais le chaos qu’aurait représenté le retour en classe était une bonne raison de tenir une campagne électorale et de gager que la « majorité silencieuse » appuierait le gouvernement et endosserait son projet de hausse. Si on reprend le raisonnement depuis le départ, la grève a donc mené vers une loi spéciale et éventuellement à des élections. Jean Charest a perdu son pari, a démissionné et le Parti québécois est entré en jeu, a passé un décret pour annuler le projet de hausse et a convoqué le fameux Sommet sur l’éducation.

On pourrait parler longuement du sommet. La seule critique que je ferai ici est que oui, il y a eu la mise en place de l’indexation, mais si certaines personnes avaient travaillé sérieusement plutôt que de faire de la petite politique, les gains auraient pu être nombreux… Heureusement qu’ils n’étaient pas les seuls intéressés autour de la table!

Un printemps, ça se prépare

Mais au fait, la guerre de chiffres, qu’en est-il? J’en parle, car on oublie très souvent qu’avant 2012, il y a eu des années de travail. Dès l’annonce d’une éventuelle hausse, les fédérations étudiantes ont mis en place des recherches élaborées et surtout crédibles sur les impacts d’une hausse des frais de scolarité. Ce dont on se rendait compte, par une vulgaire règle de trois, c’était que la fameuse hausse de 1 625 $ était une augmentation visant à faire payer aux étudiants québécois la moyenne des frais de scolarité du reste du Canada. Aucune étude de besoins en infrastructures, en enseignement, en recherche, etc. Simplement une règle de trois. Très sincèrement, au départ, je n’étais pas convaincu par les discours très vertueux, mais sans contenu. C’est lorsque j’ai pris connaissance de ces recherches que j’ai « viré mon capot de bord » et que j’ai commencé à militer contre la hausse.

Maintenant, que reste-t-il? Si vous parlez à une majorité de représentants étudiants, vous aurez des constats tout de même clairs : des étudiants très mobilisés pour toute cause progressiste ou encore des étudiants qui ne veulent rien savoir. Il faut dire qu’après une aussi longue grève, c’est compréhensible. Par exemple, les jeunes qui faisaient leur entrée au cégep ne voulaient pas vivre une aussi longue confrontation. Est-ce que cela va changer? Oui, le jour où il y aura une cause par laquelle les étudiants sauront s’approprier un mouvement qui est pour eux collectivement très important. Ma crainte est que beaucoup de gens ayant vécu 2012 n’ont pas eu connaissance de l’avant 2012 et croient qu’un mouvement peut se créer en claquant des doigts, alors que l’argumentaire n’est pas prêt. Le printemps 2015 en est un bon exemple, sans offenser les gens qui s’y sont impliqués. Bref, un mouvement nécessite une trousse de départ : des militants, une cible, un argumentaire et une stratégie d’actions. On ne peut pas passer à côté de ces éléments et penser faire face à un gouvernement.

La tête haute

On pourra se souvenir de nombreux aspects de 2012. Personnellement, j’y ai vécu mes plus beaux moments de militantisme autant que mes plus grands déchirements et des déceptions. Mais au moment où une génération entière se faisait traiter d’enfants gâtés, de lâches, quand la ministre de l’Éducation comparait la hausse à un nombre de cafés par jour, les chiffres ont su montrer que la hausse était néfaste pour notre système d’éducation public. Au final, c’est une génération entière qui aura fait épargner 1 625 $ à chaque universitaire cet automne. Juste ça, c’est une méchante bonne raison d’avoir la tête haute et de se rappeler qu’on n’a pas fait tout ça pour rien!

 

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