
Michel Mongeau, « [a]rtisan touche-à-tout, marionnettiste […], comédien, scripteur, auteur […], animateur de radio » (275-Allô, pour ceux qui s’en souviennent), livre ici un opus à l’humour décapant, absurde, où il nous entretient du crabe qui a squatté sa prostate il y a sept ans, façon « Le cancer pour les Nuls » plutôt que « Soigner son cancer avec les dauphins ». L’humour de Mongeau frappe dès la première de couverture : par le titre, d’abord, et le nom de la maison d’édition, ensuite – Flambant Mû – puisque ce récit est publié à compte d’auteur. Le texte s’ouvre en effet sur les lettres de refus des éditeurs auxquels Mongeau a soumis son manuscrit et la préface que Dany Laferrière ne lui a pas écrite. Certes, ces lettres sont élogieuses… mais « [l]es éditeurs […] n’ont pas voulu du manuscrit, trouvant que ça […] manquait [d’eau de rose]. Et qu’il y avait trop d’humour, aussi. » En effet, ici, point d’atermoiement. L’auteur a le verbe cru, vrai, sans détour, « ni le mou ni l’urine ne vous seront épargnés ». Cet « estropié de la glande » nous parle de vie, de mort, d’orgasme à sec, d’éjaculation rétrograde, d’urinothérapie, de traces de noix, de peur, de colère, d’hormonothérapie qui le transforme en « courgette », du « deuil de l’intime » et de la Joie, pourtant. D’amour, aussi. La voix se fait tendre, touchante, émouvante dès lors qu’il s’agit de son amoureuse, sa douce, de ses enfants, petits-enfants, amis… et de ses cannellonis à la viande.
Cependant, l’auteur nous met en garde : « Ce qui suit n’est pas un manuel de survie [au] cancer ou un livre de recettes du bonheur malgré le cancer… si on exclut celle de la Prostate de boomer flambée au calva que, pour des raisons évidentes de contrôle de la qualité, je ne saurais recommander à tout le monde! » Il pratique une allègre autodérision dans cet « ouvrage sans prétention scientifique ». Bref, en dépit du sujet, j’ai pouffé de rire à chaque page. Pari tenu donc pour l’auteur : « Les épées pour se battre sont nombreuses, et aucune plus redoutable que l’humour. »
Mongeau utilise aussi sa plume pour égratigner au passage « nos gouvernements de Pissous Inc.» et dénoncer, entre autres, « Big Pharma » ainsi que « l’actuelle financiarisation à outrance des marchés mondiaux […] directement responsable de la paupérisation de plus de 50 % des Terriens ». Avec la pointe d’humour qu’on lui connaît, il reste malgré tout optimiste : « En attendant, la vie est bien faite. Ceux qui nous donnent mal à la tête nous vendent aussi les pilules. » Et il sait se réconforter : « On peut toujours se consoler en se disant que, pire que le cancer, y a la déflation ou le Conseil du patronat du Québec. »
L’ouvrage regorge d’allusions littéraires et de citations, inspirées ou trafiquées. On y trouve bien sûr Le Journal du Petit Monsieur, qui relate les « aventures [de l’auteur] au Canceristan », des phrases terminales et même une « section ludico-niaiseuse », également à saveur littéraire : « Qui a écrit : ‘’Pour qui sont ces cancers qui sifflent sur nos têtes?’’ Lafleur, Labranche, Racine »
Bref, un format poche drôle, lucide et irrévérencieux à souhait, qui « [nous] remont[e] les commissures jusqu’aux portes du paradis. » Indispensable.
Michel Mongeau, Cancer ascendant prostate ou Le singulier journal du Petit Monsieur, Flambant Mû, 167 p.