
Philippe H. dans l’angle mort est le deuxième roman de Mylène Fortin paru en mars dernier chez Québec Amérique. Originaire de Matane, Mylène Fortin y enseigne la création littéraire et le français. Également doctorante en création littéraire à l’UQAR, elle a fait paraître en septembre 2016 un guide d’improvisations littéraires intitulé Noir sur Blanc.
Philippe H. dans l’angle mort fait suite à Philippe H. ou la Malencontre. Comme le précédent, ce nouveau roman saisit la respiration du lecteur : dialogues intérieurs anxieux, récit souvent entrecoupé par les pensées d’Hélène, personnage principal.
Au cœur d’une vie mouvementée, il y a Hélène, une femme attachante et son histoire d’amour qui rejoint beaucoup d’histoires modernes, celles où la peur de l’engagement demeure une barrière à l’amour et au laisser-aller, celles qui se vivent dans l’absence d’éducation aux relations : « Une pensée subite s’est posée comme un baume sur mon effarement : Walt Disney. Bien sûr! Walt Disney! J’avais été contaminée par ce distributeur de scénarios réducteurs et étouffants! Toutes ces histoires se terminaient par “happily ever after” et avaient meublé mon imaginaire de fillette, alors que jamais, JAMAIS! on ne m’avait présenté ce fameux after! Que se passait-il après le coup de foudre? La désillusion? L’ennui mortel? La boulimie? La dépression? La porcelaine broyée contre les murs? »
Tout en fuyant sa relation avec l’homme dont elle a toujours rêvé et avec qui elle est en couple, Hélène va faire face à son anxiété et essayer de trouver une prise chez la psychanalyste ou dans des cours de yoga : tous ces services qui devraient nous permettent d’être pleinement heureux, sans problème et où l’on devrait être en paix avec un passé qui revient pourtant à la charge, car la vie est faite de souvenirs : « Les lieux de l’enfance nous déchirent, on y pressent le passé qui continue d’y exister, comme un noyau dur dans un monde parallèle, comme dans un rêve dont on retrouve la topographie à intervalles plus ou moins précis, semaine après semaine, mois après mois et parfois même plusieurs années plus tard. »
Le rythme souvent effréné de l’écriture, avec de nombreux dialogues, des mots criards écrits en majuscules, donne des scènes qui s’apparentent au théâtre. Mylène Fortin a d’ailleurs co-écrit trois pièces de théâtre et l’écriture dramatique ressort dans ses romans.
À la manière d’une « chick lit » dont le ton désinvolte est marqué par un recul humoristique et l’auto-dérision, Mylène Fortin offre un roman qui semble destiné aux femmes, mais qui aborde les personnages masculins avec une sensibilité et un amour véritable. En effet, l’homme idéalisé s’avère être un personnage également vulnérable face à son passé amoureux difficile. Dans Philippe H. dans l’angle mort, l’homme n’est vraiment plus celui qui fait pleurer Bridget Jones. Il est l’occasion d’une rencontre privilégiée qui permet à l’amoureuse de faire quelques petits pas. Non, l’amour, ce n’est pas du Walt Disney, la réalité est ainsi faite de complexité, qu’on se le tienne pour dit. Les justiciers de l’amour n’existent pas, mais des livres comme celui de Mylène Fortin existent pour en parler, et c’est très bien ainsi.
Mylène Fortin, Philippe H. dans l’angle mort, Québec-Amérique, 2017, 200 p.