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Le mythe de la crédibilité économique

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Le mythe de la crédibilité économique

Peu avant sa démission, Françoise David répondait aux questions des journalistes au sujet de sa tournée de consultations régionales sur l’économie. Elle y a affirmé que l’économie était le talon d’Achille de son parti. Les réactions, prévisibles, n’ont pas tardé : « Enfin, elle l’avoue! »

En fait, il s’agit d’un problème d’image, pas de compétence : les progressistes sont souvent perçus comme ayant de bonnes intentions, de bonnes valeurs, mais pas les moyens de leurs ambitions. Parce que « pour redistribuer la richesse, il faut d’abord la créer ». Selon cette logique, on ne créerait pas de richesse en donnant à tout le monde une chance de réussir, de s’instruire et d’être en santé, en investissant dans la culture ou le développement régional, ou en protégeant son environnement. Dans le langage de la « crédibilité économique », ce sont là des dépenses, pas des investissements.

Même si la plupart des électeurs ne sont pas friands de privatisations, de coupes, d’atomisation, d’inégalités et de marchandisation, la droite économique réussit généralement à se faire élire et réélire en brandissant les formules magiques de « relance de l’économie » et de « saine gestion des finances publiques ».

On sait pourtant que l’objectif des mesures d’austérité n’est pas de rééquilibrer le budget de l’État, mais de réduire la contribution des plus riches et des grandes entreprises. On sait que le capitalisme et le néolibéralisme n’enrichissent qu’une minorité. Les compressions et la déréglementation causent des problèmes à moyen et à long terme qui coûtent collectivement bien plus cher que si on avait investi en amont pour les prévenir. Le gouvernement actuel cache de moins en moins son mépris des plus démunis. De plus, la proximité du monde des affaires et de la politique est l’une des causes des problèmes de corruption.

Droite et crédibilité

Cependant, selon plusieurs, si les trois grands partis néolibéraux jouissent de cette « crédibilité » qui ferait défaut à gauche, ce serait notamment à cause de la surreprésentation de gens d’affaires dans leurs rangs. Mais les affaires et l’économie sont deux choses différentes. Prétendre qu’un homme d’affaires sera mieux avisé que quelqu’un d’autre sur des questions économiques, c’est à peu près aussi logique que de demander des conseils diététiques à votre épicier. On doit d’ailleurs s’inquiéter du fait que les médias présentent souvent des gens issus du monde de la finance et de la comptabilité comme des experts économiques.

Cette logique déroutante repose sur une conception simpliste de l’économie, de sa nature et de sa finalité.

D’abord, les partis traditionnels ont tendance à voir l’économie comme une course effrénée vers la croissance. Or, comme le dit le proverbe, le seul organisme connu à avoir la croissance comme finalité, c’est un cancer. C’est ce qui fait, par exemple, qu’on évalue généralement la performance économique d’un État à partir de son PIB, alors que cette mesure exclut plusieurs facteurs pertinents quant à la santé économique réelle, comme l’économie domestique et informelle, le bénévolat, la répartition de la richesse, l’impact environnemental, j’en passe, et des meilleures.

Ensuite, la gauche et la droite n’ont carrément pas la même conception de ce qu’est l’économie, en tant que phénomène et en tant que science. À droite, on retrouve surtout des économistes dits « orthodoxes », qui travaillent à partir de modèles théoriques assez répandus, mais qui n’ont pas toujours résisté à l’épreuve des faits; pensons par exemple à la fameuse « main invisible » ou à la « théorie du ruissellement ». Mais plusieurs économistes orthodoxes refusent de revoir leurs modèles et préfèrent blâmer la réalité de ne pas s’y conformer.

Au contraire, à gauche, on s’inspire davantage d’approches « hétérodoxes », qui prennent mieux en compte les facteurs externes et qui sont influencées par d’autres sciences, comme la sociologie, l’histoire, la psychologie ou même l’écologie. Mais comme ces approches ne cadrent pas avec la vision simpliste communément acceptée, on a l’impression qu’elles manquent de crédibilité. C’est le propre d’une idéologie dominante de faire paraître les solutions de remplacement comme farfelues.

Mythes et économie

Pourtant, bien des Québécois constatent les échecs du capitalisme et considèrent que les écarts actuels de richesses sont inacceptables. Québec solidaire et la gauche en général ont des solutions pragmatiques et scientifiquement fondées à proposer pour contrer ces problèmes. Mais tant qu’on continuera à alimenter des mythes au sujet de la nature et de la finalité de l’économie, les véritables solutions de remplacement continueront de paraître dépourvues de « crédibilité économique ».

 

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