
Déterrer les os, le premier roman de Fanie Demeule paru chez Hamac cet automne, raconte l’histoire d’une jeune femme aux prises avec des troubles alimentaires. Enfant, elle se gave de nourriture et prend un plaisir sensuel à tout manger. Obsédée par un manque incommensurable qui la ronge, la narratrice plonge dans l’excès : elle mange en entier le contenu du réfrigérateur de ses grands-parents ou engloutit une montagne de pamplemousses. La honte de son corps naît au secondaire lorsqu’une camarade lui suggère de moins manger. Après, la narratrice se trouvera toujours trop grosse et sera en combat constant avec son corps, se sentant prisonnière de sa chair trop pesante. Régime minceur éprouvant et exercice cuisant sont au rendez-vous pour faire disparaître son corps qui déborde et pour faire parler ses os : « Un jour, mon squelette pointe à la surface de ma peau. Il parle de ma pureté, révèle enfin ma force intérieure. »
Langage familier et soutenu se mêle dans l’écriture de ce récit de soi construit par fragments, par petites bouchées. La voix de la narratrice se transforme progressivement alors que la jeune fille grandit, vieillit et s’amincit. Fanie Demeule, dans ce roman autofictionnel, offre une plume immaculée et aérée, à l’image de la narratrice : « Dans ma tête comme dans mon ventre, un vide grandit, un vide sédatif et délectable. Plus rien ne vient déranger mon esprit. Les désirs meurent en même temps que la faim. »
Sans être misérabiliste, Déterrer les os présente une dure réalité sans faire de compromis car, de toute façon, comme le dit la quatrième de couverture : « Quand est-ce qu’on sait que c’est fini? » Le roman donne une voix aux gens qui vivent avec des troubles alimentaires, une voix nécessaire, et c’est sans doute pour cela qu’elle s’avère parfois troublante.