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Après le capitalisme

Par Jennifer Doucet le 2017/03
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Après le capitalisme

Par Jennifer Doucet le 2017/03

 Vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre 

– Gandhi

 

L’essai d’écologie politique de Pierre Madelin, Après le capitalisme, prévoit une crise écologique mondiale. Selon Madelin, la Terre a la capacité de s’auto-régénérer (homéostasie), mais la vitesse à laquelle elle le fait ne saurait répondre aux besoins croissants des êtres humains, ce qui créera une crise de  civilisation. Les fondements de notre société seront bouleversés sur le plan écologique, mais aussi du point de vue politique et social. Saurons-nous nous adapter?

L’auteur, dans son tout récent essai, traite entre autres de la fin du capitalisme, de la transition et de ses conséquences. Nous vivons d’ailleurs l’apogée de cette idéologie économique avec le « couronnement » de Donald Trump à la Maison-Blanche, un multimilliardaire qui finance sa propre campagne électorale et qui, comme un Richie Rich devenu grand, pourrait rejetter d’emblée toute question environnementale, à moins qu’elle ne soit cotée en bourse. Peut-on parler de démocratie? Nous sommes à un tournant historique : au Déclin de l’empire américain, comme le dirait Denys Arcand.

L’humanité devra se redéfinir et revoir les bases sur lesquelles ses fondements reposent, car « en instituant un rapport au monde fondé sur la domination et l’instrumentalisation, et en réduisant la nature à la qualité de marchandise, l’anthropocentrisme moderne réduit également l’humain à son agir technique et économique, occultant par là même les autres potentialités de son être (sociales, poétiques, spirituelles, etc.) 1». Tout ça au prix de notre créativité et de notre autonomie. En fait, dans toutes les sphères de notre vie, notre dépendance aux multiples paliers de gouvernements et aux grandes entreprises n’a jamais eu d’égal. 

Pour mieux comprendre le phénomène, on peut se référer à de récentes études qui montrent que : «  la consommation est devenue une drogue […]. Pour les accros du magasinage, chaque achat déclenche la production d’endorphines et de dopamine, des substances sécrétées par le cerveau, qui augmentent la sensation de plaisir.  « Elles agissent comme des antidépresseurs : si on est triste, on se tourne vers le shopping pour se remonter le moral », explique le psychologue [Pierre Faubert] 2».

Changer le monde?

En 100 ans, la population mondiale est passée de 2 à 7 milliards, et l’éternelle insatisfaction humaine sur le plan matériel n’a fait qu’augmenter les inégalités dans la répartition des ressources. Même si les problèmes écologiques modernes sont, par nature, transfrontaliers, des initiatives et mouvements citoyens se mettent en place : coopératives, simplicité volontaire ou Accorderies (système d’échange de services entre individus). Preuve qu’une part de la population désire retrouver un sens à sa vie et « vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre » (Gandhi). Il ne s’agit pas d’arrêter les importations, mais plutôt d’ouvrir les frontières à ce qui ne peut être produit localement.

La souveraineté alimentaire et énergétique locale ou régionale devrait en théorie être accompagnée d’une souveraineté politique. Mais si cette décentralisation ne vient pas, par exemple comme pour la souveraineté du Québec, doit-on absolument l’attendre pour prendre des décisions écologiques responsables et avant-gardistes? Ou peut-on plutôt suivre la formule de John Holloway : « Changer le monde sans prendre le pouvoir »? Pour l’instant les élus préfèrent ressasser les vieilles histoires des « pays d’en haut » au lieu de se pencher vers l’intégrité et le respect de la Terre. Citoyens et gouvernements doivent cesser de se lancer la balle. En réalité, comme l’avance Pierre Madelin, « l’État moderne n’est pas neutre, il est structurellement lié à l’accumulation du capital et à la dévastation de la Terre. » On pourrait conseiller aux élus de relire des livres comme Une forêt pour vivre de Léonard Otis et d’oser mettre en branle des projets qui exigent plus que la durée de leur mandat, afin de produire des résultats concrets. 

L’œuf ou la poule?

Le capitalisme sera-t-il renversé par des mouvements socio-politiques ou contribuera-t-il à sa propre destruction? À mon avis, ce qui contribuera en partie à sa perte est le fait que l’humain est un être extrême, avec lui tout est noir ou blanc, alors que la vie est un arc-en-ciel de gris. Qu’elles soient modernes ou empruntées à une autre époque, les pistes de solutions ont le vilain défaut d’être soit à l’extrême gauche soit à l’extrême droite. C’est cet extrémisme qui poussera le capitalisme ou toute autre idéologie (politique, économique, etc.) à sa perte. Entre le blanc et le noir, il y a pourtant un large éventail de possibilités.

Pierre Madelin nous rappelle que notre destin et celui de la Terre sont liés et que nous devons nous poser les bonnes questions dans l’immédiat puisque les changements structurels qu’il faudra mettre en place demandent du temps, alors que les catastrophes qui nous menacent sont, quant à elles, très proches.

 

 

1. Pierre Madelin, Après le capitalisme. Essai d’écologie politique, Écosociété, 2017, p. 13.

2. Isabelle Ducas, « Trouver un sens à sa vie, ailleurs que dans la consommation », La Presse+, 16 novembre 2014, plus.lapresse.ca.

3.John Holloway, Changer le monde sans prendre le pouvoir, Lux, 2007, 320 p.

 

 

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