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Les Cavaliers de l’Apocalypse

Par Pierre Landry le 2017/01
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Les Cavaliers de l’Apocalypse

Par Pierre Landry le 2017/01

Au début de la Seconde Guerre mondiale, les pilotes de la Luftwaffe allemande pilonnant les côtes britanniques en prévision d’une invasion de l’Angleterre se heurtèrent à une résistance inattendue de la part de la Royal Air Force. Winston Churchill, qui avait le sens de la formule, déclara dans un discours célèbre, le 20 août 1940 : « Never, in the course of history, have so many owed so much to so few. » (Jamais, dans le cours de l’histoire, tant de gens n’ont dû autant à si peu de personnes.) 

En janvier 2017, Donald Trump est devenu le 45e président des États-Unis, après une campagne populiste où il aura promis de nettoyer la « swamp » de Washington et d’enlever le pouvoir des mains de l’establishment pour le redonner au bon peuple… On sait maintenant que ce sont les banquiers de Goldman Sachs – ceux-là mêmes qui sont à l’origine de la crise économique mondiale la deuxième en importance –, les dirigeants d’ExxonMobil, des hauts gradés à la retraite et la fange la plus conservatrice de ce même establishment qui seront dorénavant aux rênes du pays classé parmi les plus puissants de la planète. À eux seuls, la brochette des quelques nantis qui sont pressentis pour se joindre au cabinet de Trump détiennent une fortune évaluée à plus de 15 milliards de dollars, soit davantage que les 43 millions d’Américains les plus pauvres! Ce qui fait dire à l’émule de Churchill que je suis : « Jamais, dans le cours de l’histoire, tant de gens n’auront été fourrés par un si petit nombre… »

Non, mais vraiment, voilà une équipe triée sur le volet! Le pauvre bougre qui croupit depuis des années après la fermeture de la mine de charbon de son coin de pays ou à cause de la délocalisation de l’usine qui l’employait a franchement de quoi se réjouir! Ceux qui sont à la tête du pays auront sans conteste ses intérêts à cœur, eux qui sont à l’origine même de sa paupérisation et de sa détresse! Et ce n’est pas seulement la taille de la fortune de ces chevaliers du capitalisme qui impressionne. Leurs états de service et leur idéologie témoignent eux aussi d’une rare convergence, et présagent d’une administration hautement éclairée et responsable : un climatosceptique à l’environnement, une catholique intégriste à l’éducation nationale, un proche du Ku Klux Klan à la justice, un pro-russe aux affaires étrangères… Si on le compare à Trump, avec cette incroyable duplicité dont le nouveau président sait faire preuve, Stephen Harper passera à l’histoire comme un boy scout, une mauviette sans envergure, un triste poltron qui n’avait pas le courage de ses convictions. Trump, lui, au moins, c’est du solide, même si la bouchée qu’il s’apprête à enfourner dans la gorge du peuple américain n’a rien à voir avec la marchandise qu’il a prétendu avoir à offrir au cours de la campagne présidentielle. Tout à fait à l’inverse de l’adage partagé par ces mêmes Américains : « What you see is what you get. » Mais au moins maintenant les choses sont limpides. Nous savions que les banques et les grands de la pétrochimie tirent les ficelles. Nous savions que le 1 % contrôle de fait la richesse et le destin du monde. Que l’extrême droite n’est jamais tapie bien loin dans les coulisses. Mais on se gardait une petite gêne. On usait de paravents, de prête-noms, de faux-fuyants, on se payait des lobbyistes, on finançait tel ou tel parti ou tel ou tel « think tank ». Mais maintenant à bas les filtres, à bas la distorsion, à bas le sacro-saint « arm’s lenght ». Le vrai pouvoir est au pouvoir. Et il compte bien le faire savoir et le faire voir. Watch out ! Attache ta tuque!

Vous le savez et la chose a été souvent répétée : ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle. Notre pauvre planète n’avait vraiment pas besoin de cette engeance qui va fatidiquement accélérer sa dépravation. Comme disait Verlaine : « L’espoir luit comme un grain de paille dans l’étable », un bout de poème auquel j’ajoute ces mots : « … à laquelle on est en train de mettre le feu ». Le climat va continuer à se réchauffer. Les océans vont bouffer les berges. Les tueurs en Syrie continueront à perpétrer leur indicible carnage.

Et pendant ce temps, une horrible masse a insidieusement fait son nid dans la tête d’un de mes amis musiciens, un incroyable batteur, un chanteur formidable. La chose occupe de plus en plus de place. Elle a déjà évacué de son esprit l’équivalent de dizaines et de dizaines de juke-box, une grande partie du répertoire des Beatles, des tounes de Roy Orbison, du hard rock, du heavy métal… Requiescat in pace, mon ami Muff. Je continuerai à chanter avec tes frères pour que la mort sache qu’elle ne gagnera jamais tout à fait.

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