
Les Amplificateurs, ce sont trois écrivains qui ont eu envie de vivre une expérience d’écriture hors norme. Écriture collaborative en groupe, en public et sur les réseaux sociaux, etc., tout cela leur sert à la fois de prétexte et de terrain de jeu. Lorsque je les ai rencontrés, ils tenaient une séance d’écriture à partir d’un restaurant de Rimouski. Deux membres du projet, soit Anick Fortin et Mylène Fortin (aucun lien de parenté), étaient sur place, et Pierre Labrie, originaire de la région, participait à l’exercice de façon virtuelle depuis Greenfield Park.
Anick Fortin, originaire de Matane, a publié quatre romans aux Éditions Trois-Pistoles. Elle explique comment le tout a débuté : « Mylène et moi, on travaillait ensemble, elle venait de publier son premier roman et c’est rare, dans un milieu de travail, d’avoir une collègue qui écrit aussi. J’ai donc proposé à Mylène de travailler en collaboration et on a trouvé ça fascinant de faire se confronter nos styles d’écriture. Puis j’ai pensé à Pierre, que je connaissais, on avait publié tous les deux aux Éditions Trois-Pistoles, et je me suis dit qu’à trois, la dynamique serait différente, qu’on irait plus loin qu’avec un simple dialogue. »
Leur expérience va dans toutes les directions : en création d’abord, avec l’écriture en groupe, les interventions du public en ligne ou en direct, puis en diffusion, puisque tout est disponible en ligne.
Mylène Fortin, de Matane, doctorante en création littéraire à l’Université du Québec à Rimouski, vient de publier un livre consacré à la création littéraire intitulé Noir sur blanc aux Éditions Québec Amérique : « On écrit en direct sur un Google Docs qui est disponible au public. Le but est de publier des textes qui ne sont pas encore passés par le processus habituel de publication pour que le public voie le processus d’écriture. On écrit aussi des textes sur un blogue pour parler de notre processus d’écriture. »
Lors de notre rencontre, l’écriture se faisait en direct sur le Web et autour de la table. Chaque rencontre se construit autour d’un thème d’écriture et, entre les séances, des textes plus personnels paraissent sur le blogue des Amplificateurs.
M. F. – On se donne des thèmes : le premier, c’était « Ce qui nous enchaîne », puis « On avance à tâtons, mais on avance ». Là, on est dans « Les fantasmes », mais ce n’est pas nécessairement de l’ordre du sexuel. On peut écrire devant ce que l’autre a écrit ou après, on peut faire des commentaires.
Des trois, seul Pierre publie de la poésie, mais c’est le genre que tous ont adopté et c’est venu naturellement.
M. F. – C’est de la poésie et de la prose poétique. Nos traits ressortent. Annick et moi, on est plus dans la poésie en vers et Pierre est plus en prose poétique. On s’est aussi donné des personnages d’écrivain, et on voit tout cela évoluer en cours de route; la voix de l’écrivain n’est pas la même quand on est dans le fil de l’écriture ou dans le commentaire.
Je les regarde travailler dans ce laboratoire de création et de réflexions sur la création. Les textes s’écrivent sur l’écran, ça rature, ça répond à un message, ça lit les textes de l’autre. On prend une bouchée, un verre, le bébé d’Anick passe de l’une à l’autre. On lit, on rit beaucoup. L’écriture multitâche, ça demande beaucoup. Les défis sont nombreux.
A. F. – Essayer de se parler en même temps qu’on écrit! Il faut gérer l’écriture, mais aussi le dialogue : on est dans l’écriture en direct, mais on est aussi sur Facebook, on est en dialogue constant entre nous et avec les gens qui peuvent nous envoyer des commentaires, il faut tout le temps regarder ce qui se passe autour, en plus de se concentrer sur l’écriture. Et ce n’est pas toujours évident de faire tout ça ensemble!
M. F. – Je sais que je n’écrirais pas ce que j’écris ici s’il n’y avait pas cette interaction.
Y aura-t-il une publication à la fin du processus?
A. F. – Pas pour le moment. Le projet est conçu pour le Web, mais oui on aimerait avoir une publication et même continuer avec d’autres auteurs pour la suite. Officiellement, le gros du travail se termine après les fêtes, mais on va sûrement raffiner ça un peu, après.