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« Faut qu’on se parle » de nos rêves et des possibles

Par Raymond Beaudry le 2017/01
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« Faut qu’on se parle » de nos rêves et des possibles

Par Raymond Beaudry le 2017/01

Une rencontre de consultation populaire, organisée dans le cadre du mouvement « Faut qu’on se parle », s’est déroulée à la Coudée du Cégep de Rimouski le 30 novembre dernier, animée par Claire Bolduc et Gabriel Nadeau-Dubois. Le profil des membres du collectif « Faut qu’on se parle » représente un courant de valeurs et de modèles de développement qui interpelle nos manières de concevoir l’occupation et l’habitation des territoires, nos conceptions du système d’éducation et l’urgence de revoir ses fondements, notre rapport avec les institutions de la santé et les pratiques médicales conventionnelles et alternatives, les rapports homme/femme, notre rapport à la nature, nos solidarités avec les communautés autochtones, l’action communautaire et féministe, et finalement le lien entre l’art et le militantisme. Les membres du collectif ont en commun cette volonté d’alimenter et de faire circuler les idées en nous invitant à orienter la discussion sur des propositions afin d’ancrer notre réflexion dans des pratiques qui nous permettraient de sortir d’un embouteillage de problèmes politiques, sociaux, environnementaux et économiques. Bref, sortir la société québécoise d’une crise sociétale que le pouvoir étatique alimente en participant à la dégradation des conditions de vie.

Cette initiative s’inscrit dans un vaste mouvement national de réflexion qui, au-delà des analyses, vise à trouver ensemble des pistes de solutions sur la façon dont nous voulons vivre en commun afin de contrer les dérives de nos sociétés, dont le néolibéralisme et sa figure inquiétante du totalitarisme. Ces préoccupations sont également partagées par des centres de recherche, dont l’IRIS qui vient de publier Cinq chantiers pour changer le Québec et, plus près de chez nous, le GRIDEQ qui ouvre ses séminaires à la population sur les recherches d’ici et d’ailleurs afin de garder vivant le lien entre la réflexion et les pratiques signifiantes.

À Rimouski, plus de deux cents personnes se sont jointes à la consultation populaire où l’on a pu constater une participation plurielle et égale d’hommes et de femmes de tous les âges. La discussion en petits groupes d’une dizaine de personnes se voulait conviviale afin d’échanger et de proposer des solutions sur la démocratie, l’éducation et les régions : trois thèmes qui ont été majoritairement retenus lors de l’inscription. Le groupe auquel j’ai participé (issu du milieu communautaire et syndical, de la santé, de l’enseignement universitaire et des collectifs féministes) me semblait représentatif de l’esprit d’une telle rencontre où nous étions animés par un profond désir de partager nos idées avec l’espoir et l’intention de les inscrire dans un nouveau projet de société ou plus précisément dans et avec la société.

Tous et toutes faisaient le constat qu’il fallait reprendre en main le sens et les fondements de la vie en société en proposant d’autres manières d’organiser la démocratie, l’éducation et le développement de nos territoires locaux et régionaux. On a pu entendre des propositions qui défendaient l’économie de proximité, l’importance de redéfinir les valeurs et le besoin de revoir les règles en matière d’occupation du territoire. Il a aussi été question de redonner plus de pouvoir aux régions et aux municipalités qui se heurtent à des inégalités et à des poursuites de la part de la grande industrie, de créer dans chacune des municipalités un budget participatif afin d’élargir la démocratie, de soutenir des programmes qui permettent l’intégration d’élèves de plusieurs niveaux dans une même classe afin de maintenir les écoles en milieu rural, de s’inspirer des pratiques d’éducation qui offrent des cours d’empathie, de penser l’école comme un lieu de formation à la conscience citoyenne, de valoriser le travail des enseignantes et des enseignants tout en les soutenant par des postes d’assistantes et d’assistants, de réduire l’horaire des classes afin de permettre aux élèves de participer à des activités créatrices et de loisirs, mais aussi d’organiser des visites dans différentes localités rurales et urbaines afin de sensibiliser les jeunes aux différents milieux et conditions de vie.

Au-delà des propositions c’est, plus fondamentalement, une appropriation de la prise de parole par les acteurs de la société civile que cette rencontre a favorisée. Une prise de parole pour dire que ces rencontres nous appartiennent, que nous en ferons ce que nous voulons pour participer à la transformation et au maintien du monde commun dans lequel nous voulons vivre. Un monde à partager avec nos particularités et nos différends, un monde qui pense autrement que celui de la pensée dominante. Pour dire que nous existons collectivement, que nous avons encore le sens de la responsabilité et de la conscience collective, que nos savoirs et nos solutions sont légitimes et qu’ils méritent d’être entendus et expérimentés. Pour dire qu’il y a urgence de « déboucher » la raison d’État pour accompagner l’espoir que portent nos rêves en rendant possible le déploiement des pratiques émancipatrices.

Pour dire aussi que nous ne sommes pas dupes, il y a des écueils; il faudra continuer à « penser ce que nous faisons », pour reprendre les mots de Arendt, tout en nous donnant les moyens d’agir pour la démocratie, l’éducation et le développement de nos communautés territoriales. Sachant toutefois que notre destin et nos rêves ne sont pas uniquement entre nos mains, qu’ils se dessinent à même les possibles de la vie en société. 

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