
Normand Baillargeon, essayiste, intellectuel engagé et anarcho-syndicaliste de conviction, est le président d’honneur de la 51e édition du Salon du livre de Rimouski. Ce prolifique auteur s’intéresse à l’éducation et à la philosophie. Il détient un doctorat dans chacun de ces deux champs. L’année n’est pas achevée, mais déjà il nous propose son lot de nouvelles publications parues en 2016 : Propos sur l’éducation (M Éditeur); La dure école (Leméac); Le roman de Khayyam (Poètes de brousse) et Enseigner au Québec (VLB), un guide alliant idéalisme et pragmatisme qui s’adresse d’abord à ceux et à celles qui aspirent à exercer la profession d’enseignant. Dans des ouvrages collectifs publiés en 2016, on lui doit des contributions remarquées comme dans La face cachée du cours Éthique et culture religieuse (Leméac), où il vante les vertus de la recherche désintéressée de la vérité, de l’écoute respectueuse des arguments d’autrui et de la capacité à réagir à de bons arguments; dans Le savoir engagé (PUL), il propose ses confessions d’un paria. Normand Baillargeon incarne aussi l’autodéfense intellectuelle – la pensée critique et le scepticisme comme outils d’exercice d’une citoyenneté éclairée –grâce à son Petit cours d’autodéfense intellectuelle (Lux, 2005). Le Mouton Noir lui a posé cette question, dans le contexte d’un échange courriel : quels sont les trois livres utiles pour pratiquer l’autodéfense intellectuelle?
Carl Sagan (1934-1996)
« Me vient d’abord à l’esprit le grand classique d’un de mes héros, Carl Sagan : The Demon-Haunted World (Random House, 1995). Incontournable. » Ce livre a comme sous-titre Science as a Candle in the Dark, ce qui illustre aussi une conviction de Normand Baillargeon. Carl Sagan est un scientifique et un astronome américain, professeur à l’Université Cornell, figure marquante de l’astrobiologie, une science transdisciplinaire qui a pour objet l’étude des facteurs qui ont conduit à l’apparition et à l’évolution de la vie. C’est aussi une personnalité publique, un communicateur et un vulgarisateur qui a fait les beaux soirs du Johnny Carson Show (plusieurs de ses entrevues sont disponibles sur YouTube). Son baloney detection kit est adapté par Normand Baillargeon en un kit de détection de poutine visant à repérer les sophismes (raisonnements faux faits de mauvaise foi) et les paralogismes (raisonnements faux faits de bonne foi). Carl Sagan est un des fondateurs du Committee for Skeptical Inquiry, dont la mission consiste à promouvoir la recherche scientifique, la recherche critique et l’utilisation de la raison dans l’examen des phénomènes controversés.
Martin Gardner (1914-2010)
« Je tiens à dire que j’ai été très marqué par les livres et les idées d’un des fondateurs du mouvement sceptique contemporain, le grand Martin Gardner. » Le Petit cours d’autodéfense intellectuelle lui est d’ailleurs dédié. Normand Baillargeon rappelle dans un article de Voir (18 mars 2015) son admiration pour ce philosophe polymathe (qui a des connaissances variées et approfondies sur de nombreux sujets) et magicien. Martin Gardner, principalement autodidacte, est responsable de 1956 à 1981 de la chronique Mathematical Games de la revue Scientific American. Cette chronique fait en sorte d’intéresser aux mathématiques des générations d’Américains, ce qui fait dire à Persis Diaconis, aussi mathématicien et magicien, qu’il a transformé « des douzaines d’innocentes jeunes personnes en professeurs de mathématiques et des milliers de professeurs de mathématiques en innocentes jeunes personnes ». Normand Baillargeon est aussi un adepte des jeux mathématiques, et plusieurs de ses publications en proposent. Martin Gardner publie In the Name of Science (Putnam, 1952), ouvrage marquant du mouvement sceptique. Son autobiographie, Undiluted Hocus-Pocus (Princeton University Press), est parue en 2013.
Le mouvement sceptique
« Je vais ensuite tricher un peu en citant comme un livre des revues, trois en fait, que je lis toujours : Skeptic, Skeptical Inquirer et Le Québec sceptique. L’actualité au prisme du scepticisme, des recensions et des articles de fond. » Skeptic, publiée quatre fois par an, explore diverses controverses sociales, scientifiques et paranormales. C’est « the best journal in the field », selon le regretté Stephen Jay Gould. Skeptical Inquirer paraît six fois par an et rend compte d’évaluations scientifiques critiques de phénomènes controversés. Elle a comme lignes directrices de critiquer le paranormal et les pseudosciences, d’utiliser des méthodes d’enquête scientifique, de promouvoir un point de vue scientifiquement équilibré dans les médias, et d’enseigner l’esprit critique dans les écoles. Le Québec sceptique est la revue des Sceptiques du Québec, publiée trois fois l’an. Elle traite des phénomènes paranormaux et pseudo-scientifiques avec une approche critique. Normand Baillargeon en est un collaborateur régulier avec des articles portant notamment sur Bertrand Russell et Albert Einstein. Il a d’ailleurs traduit, en collaboration avec sa compagne de vie Chantal Santerre, Idéaux politiques de Bertrand Russell, paru chez Écosociété en 2016.