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Lettre du 9 octobre 2016 à Jean-François Lisée

Par Christine Portelance le 2016/11
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Lettre du 9 octobre 2016 à Jean-François Lisée

Par Christine Portelance le 2016/11

Vous voilà propulsé à la tête du Parti québécois. Votre campagne — spectaculaire remontée —  sera sans doute étudiée dans les cours de sciences politiques comme un phénomène. Vous ferez un redoutable chef de l’opposition.

Gagner une bataille, ce n’est toutefois pas gagner la guerre. Une majorité de vos membres a la nostalgie du pouvoir. La réalité, c’est qu’en 2018, le PQ passe, ou casse.

J’ai donc été étonnée de vous voir lancer le « burkini  » comme un pavé dans la campagne. Déjà, la charte des valeurs avait eu un effet repoussoir chez les jeunes, même chez des militants, et voilà que vous en remettez. Or je ne crois pas que l’on puisse faire du Québec un pays sans l’adhésion des jeunes. Même l’élection de 2018 pourrait être hasardeuse si l’appui des jeunes continue à chuter.

Je n’ai pas besoin de sondages pour savoir que le projet de souveraineté ne soulève guère de passion chez les générations X, Y, Z, j’enseigne à des jeunes de 20 ans depuis plus de 25 ans. Votre parti a longtemps refusé de regarder la situation en face. D’ailleurs, vous-même… Lors d’une causerie diffusée sur Internet, je vous ai déjà entendu expliquer, avec votre assurance habituelle, que la souveraineté était inéluctable puisque chaque nouvelle cohorte de jeunes atteignant l’âge de voter viendrait grossir le rang des souverainistes. L’aveuglement volontaire est un piège idéologique!

Les premiers militants du Parti québécois avaient été des Canadiens français avant de devenir Québécois, la littérature, canadienne-française avant d’être québécoise; même le monde des affaires, fermé aux French Canadians, est devenu le Québec inc. Les jeunes des générations X, Y, Z sont nés Québécois, et pas pour un petit pain; le succès pour eux est normal. Le désir d’un pays ne peut leur venir d’une insécurité identitaire, car ils n’ont pas l’identité fragile. Le nationalisme identitaire les horripile. Leur insécurité est ailleurs : l’état de la planète, la voracité du 1 % d’ultrariches, l’impuissance des gouvernements devant la financiarisation de l’économie, ou la simple peur de ne pas réussir sa vie.

Stephen Harper a usé de polarisation pendant une décennie; Jean Charest en polarisant le débat lors des grèves étudiantes a bien failli remporter son pari. Cependant, pour un parti dont la raison d’être est de réunir le plus grand nombre autour d’un projet de pays, la polarisation est à plus ou moins long terme une stratégie perdante. C’est pourquoi Philippe Couillard va sauter sur l’occasion à pieds joints. Vous lui enlevez la possibilité d’agiter le spectre du référendum, il invoque les démons de la xénophobie. Il a d’ailleurs déjà commencé en Islande son opération de « zemmourisation » du Parti québécois. Il fera tout pour vous faire sortir de vos gonds, et Twitter est tellement un bel espace où « s’autopeluredebananiser ».

Le plus grand défaut de la charte des valeurs était son instrumentalisation à des fins électorales. Lorsqu’un gouvernement considère son statut minoritaire comme une erreur et gouverne les yeux rivés sur les sondages en attendant que s’ouvre une fenêtre pour précipiter une élection, il n’a pas compris le message du peuple. Le déclenchement des élections fut sa plus grande erreur. Et le peuple n’a pas apprécié. Morale de l’histoire : ne jamais mépriser le peuple.

Un des problèmes chez les politiciens est souvent le manque de recul, surtout lorsque l’entourage est aussi myope que soi. Un conseiller capable de vous faire essayer différentes paires de lunettes, avant de foncer, pourrait vous être d’une grande utilité.

Est-ce que la laïcité est une priorité maintenant? Je ne vois pas où est l’urgence.

La protection de notre territoire est-elle prioritaire? Oui. Notre avenir énergétique, oui. Notre langue et notre culture, oui. Est-ce que l’école est un vecteur de diffusion de notre théâtre, de notre littérature, de notre chanson, de notre histoire, etc.? Non. Ou si peu. Est-ce que la culture, ses artisans reçoivent le soutien dont ils ont besoin? Non. Pourtant, pour sa cohésion, la société québécoise a besoin de références culturelles partagées. Cessons de « gosser des poils de grenouilles » sur le dos des autres, agissons où cela compte.

Mon petit doigt me dit qu’un programme politique qui ferait naître le désir du pays chez les jeunes pourrait aussi le faire germer chez des Québécois de toute origine, y compris des Anglo-Québécois.

Meilleurs vœux de succès!

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