
Faut qu’on se parle, expérience ambulante de prise de parole citoyenne, fera escale à Rimouski le 30 novembre. Pour l’occasion, Gabriel Nadeau-Dubois sera accompagné de Claire Bolduc, une figure de proue de la défense des régions – elle a présidé l’organisme Solidarité rurale pendant huit ans.
Amère devant un gouvernement qui ne fait confiance « ni aux régions ni aux milieux ruraux » et qui a « sacrifié le travail de 25 ans de Solidarité rurale d’un coup de ciseau », Mme Bolduc continue de se définir comme profondément militante. Entre deux assemblées de cuisine, elle s’est entretenue avec Le Mouton Noir.
Mouton Noir – Ce ne sont pas les consultations et les mobilisations qui manquent au Québec… En quoi Faut qu’on se parle est différent?
Claire Bolduc – Ce n’est pas téléguidé par un groupe d’intérêt. Ce n’est pas le gouvernement qui finance et qui donne des orientations, ni les grands syndicats, ni les entreprises privées ou les chambres de commerce. C’est un exercice strictement citoyen, soutenu financièrement par des dons citoyens. Tous ensemble, on réfléchit à ce qui va et à ce qui ne va pas.
Sur le terrain, on se rend compte que les gens ont besoin de trouver une oreille, d’exprimer des choses : premièrement, ce qu’ils vivent; deuxièmement, des solutions. C’est extrêmement instructif : il y a du génie dans la population!
On a compris que les gens veulent parler de politique, mais pas de façon partisane. Parce que dans les partis politiques, les idées divergentes ne sont pas entendues.
M. N. – On reproche à votre initiative d’être menée par des personnes qui se situent du même côté du spectre politique. Pensez-vous être capables d’attirer des gens de tous les horizons?
C. B. – À Québec, il y avait 400 personnes, des gens de tous les âges, de tous les horizons, de tous les milieux. Des entrepreneurs, des gens d’affaires, des environnementalistes, des ouvriers, des enseignants… On l’a dit d’entrée de jeu : ce n’est pas partisan. Je pense que dans toute la soirée, pas une seule fois on a parlé du gouvernement Couillard.
Dans les assemblées de cuisine, c’est encore plus diversifié. C’est pour cela qu’on en organise : on rencontre des gens qui normalement ne participeraient pas à une grande rencontre publique, mais dans une cuisine, ils ont des choses à dire et ils les disent beaucoup plus facilement. On a compris qu’il y avait un besoin de parole, mais à ce point-là… on est estomaqués. On pensait pouvoir réaliser une quarantaine d’assemblées de cuisine, on a 240 demandes.
M. N. – Vous avez entendu beaucoup d’idées dans votre carrière… Vous arrive-t-il vraiment d’être surprise par ce que vous entendez?
C. B. – Dans une assemblée de cuisine, on nous a proposé une idée : créer des Zones d’initiatives administratives (ZIA) où on soutiendrait certains types d’expérimentations, pour savoir si des modèles économiques différents peuvent être mis en place et pour ne pas laisser des entrepreneurs en difficulté. Par exemple, déclarer une région comme ZIA d’agriculture biologique. Ça veut dire offrir un soutien particulier aux agriculteurs de cette région, en matière de mise en marché et de soutien à la production, et regarder ce que ça donne… J’ai parcouru le Québec, je n’avais jamais entendu ce genre de proposition.
M. N. – Comment se passent les consultations?
C. B. – On demande aux gens de s’inscrire et d’arriver avec de l’ouverture. Pas seulement d’avoir des idées à exprimer, mais d’être capables d’écouter ce qui se dit. C’est interactif. Si on veut se mettre en action, on veut d’abord entendre les idées.
À la fin de la tournée, l’objectif est de faire des recommandations d’actions pouvant être mises en œuvre par des citoyens pour arriver à des changements dans notre société. Cela peut influencer un parti en particulier, l’action d’un élu municipal, les orientations de l’ensemble de la société. Les gens sont forts pour dire ce qu’ils ne veulent pas. Là, ce qu’on veut, c’est dire ce qu’on veut.
M. N. – Qu’adviendra-t-il de vous, après cette tournée?
C. B. – Chaque personne a ses projets. Personnellement, je suis toujours au Témiscamingue. Je vais rester militante et impliquée. Est-ce que j’irai vers la politique municipale? Ce n’est pas impossible, puisque le milieu municipal est celui qui est le plus proche du quotidien du citoyen. Mais faire un nouveau parti politique, ce serait insensé. À force de multiplier les partis, on poursuit la division du vote, et ça ne génère rien de positif.