
La question énergétique fait partie d’une confluence de défis qui, ensemble, constituent la plus grande menace contre la qualité, voire l’existence, de la vie humaine sur Terre en ce début de XXIe siècle. La manière dont on comble nos besoins en énergie est directement associée au réchauffement climatique; lequel, d’une façon irrévocable, met en péril l’agriculture et donc notre nourriture, notre accès à l’eau potable. De plus, indirectement, mais tout aussi irréversiblement, ce réchauffement entraîne des bouleversements politiques, voire des guerres.
Sur une planète qui est de plus en plus peuplée et de plus en plus meurtrie par l’activité humaine, la façon dont on satisfait nos demandes énergétiques est devenue une question de survie. L’espèce humaine est à un carrefour et devant un dilemme : est-ce qu’on continue à opérer de la même façon, sous le même modèle, c’est-à-dire en exploitant les ressources naturelles d’une façon irresponsable, en continuant à polluer, à forer, à raser et à creuser, ou est-ce qu’on imagine une solution réaliste pour diminuer nos demandes énergétiques et les satisfaire d’une façon plus responsable?
Peut-être que la question est la suivante : est-ce que l’espèce humaine est capable de prévoir une solution énergétique qui lui permettra d’exister? Ou est-ce qu’il faudra une catastrophe mondiale pour nous faire comprendre l’impact global de nos activités de consommation? Et dans ce cas, est-ce qu’il sera trop tard?
Je regarde avec énormément de déception le « progrès » des sociétés multinationales pétrolières et pétrochimiques. J’ai longuement écrit sur les abus de Monsanto qui utilise en agriculture une stratégie implacable pour imposer aux fermiers, surtout dans les pays sous-développés, des produits qui sont néfastes à l’environnement naturel et fort dangereux pour tous les êtres vivants y compris les êtres humains. Le but de Monsanto, de Bayer et de leurs confrères n’est pas d’assurer le développement positif des pratiques agricoles, mais uniquement l’enrichissement de leurs actionnaires. C’est difficile de ne pas en conclure que l’ultime stratégie de Monsanto est tout simplement le contrôle des aliments à l’échelle mondiale. Ainsi sont nées les graines « Terminator » qui produisent une plante stérile, obligeant le fermier à acheter les graines de sa prochaine récolte à la société. Laissons de côté la question des OGM pour le moment, même s’il est important de rappeler que les OGM n’ont pas été créés pour « nourrir la planète » comme le prétend la publicité, mais pour créer une graine qui sera résistante aux divers produits insecticides et herbicides (Roundup, etc.) qui sont mis en vente par Monsanto.1
Cette même philosophie est au cœur de l’industrie pétrolière. L’objet des multinationales (Shell, BP, Exxon) n’est pas de répondre aux besoins énergétiques de la façon la plus efficace, mais de faire la piastre. On creusera, on fractionnera, on polluera tant que nécessaire pour faire de l’argent en emmenant de l’essence à la pompe pour que nous puissions tous rouler dans nos chars partout sur la planète.
Tout ceci est lié : la destruction de la forêt amazonienne pour faire des pâturages à bœufs pour les hamburgers de McDo, le fractionnement hydraulique pour soustraire la dernière goutte de pétrole sous nos pieds, les sables bitumineux, la catastrophe Deepwater Horizon de 2010, et les OGM qu’on essaie de passer sous le radar d’un public non averti. Tous ces faits répondent à une même logique financière.
Mais le plus désolant est la complicité des gouvernements avec les sociétés multinationales pétrolières et pétrochimiques. J’ai envie de mordre dans le volant de ma voiture (j’ai une voiture, je fais donc partie du problème, mais j’ai un droit de vote et le droit de parole et j’ose croire que je peux aussi faire partie d’une solution) quand je vois le comportement du gouvernement actuel du Québec vis-à-vis de la société Pétrolia. Il est profondément choquant de voir ce qui se passe sur l’île d’Anticosti et ce qui risque d’arriver dans le golfe du Saint-Laurent si le gouvernement Couillard continue à soutenir l’exploration pétrolière sur le territoire. Il faut s’interroger sur la motivation de la classe politique : est-ce qu’elle vise le bien-être du peuple ou le maintien au pouvoir?
L’ultime solution à ce problème est profondément politique et nous voilà de retour à la question fondamentale : est-ce qu’on est collectivement capable de faire des choix prévoyants et bénéfiques? Ou est-ce qu’on va laisser faire les compagnies pétrolières dans une exploitation du patrimoine naturel, sans contraintes, aux dépens de la qualité de vie de tous ceux, animaux, végétaux et humains, qui habitent la Terre?
La solution n’est pas facile, car il s’agit de l’implication de chaque citoyen et de chaque citoyenne. On doit tous accepter la responsabilité de ce qu’on met dans nos assiettes et comment on s’approvisionne en électricité. Ce sont des choix de vie quotidiens, basés sur une vision responsable et sur la conviction que chaque geste a un effet sur la santé de la planète. Pas simple de vivre sur Terre. Mais comme disait Tocqueville : « La démocratie ne fonctionne pas quand les bonnes gens ne font rien. » Et nous avons la chance de vivre en démocratie. Prenons-en avantage. Comme le dit la chanson de Charlebois : « Entre deux joints /Tu pourrais faire qu’qu’chose. Entre deux joints / Tu pourrais te grouiller l’cul. »
1. Pour lire tous les textes de l’auteur sur ce sujet, voir son blogue sur www.zacharyrichard.com : 3 juin 2003 / 5 novembre 2003 / 4 février 2004 / 3 mars 2004 / 2 juin 2004 / 5 janvier 2005 / 3 août 2005 / 3 mai 2006 et de juillet à décembre 2008.