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Le Saint-Laurent : un joyau trop grand à sacrifier

Par Lyne Morissette le 2016/09
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Le Saint-Laurent : un joyau trop grand à sacrifier

Par Lyne Morissette le 2016/09

Depuis le temps qu’on nous casse les oreilles avec cela, on devrait maintenant comprendre : nos océans sont les poumons, le garde-manger et l’espoir de notre planète. C’est vrai à grande échelle, ça l’est autant sinon plus pour le Saint-Laurent. Cette artère de vie représente notre histoire, nos ressources et un futur tourné vers une économie bleue. Pendant des années, on a martelé cette devise de Cousteau : « On protège ce qu’on aime, et on aime ce qu’on connaît. » Le Saint-Laurent, on le connaît, il serait grand temps de l’aimer et de le protéger davantage.

Alors qu’on pouvait jadis plaider le « manque de connaissances » comme argument pour freiner les projets de toutes sortes qui mettaient en péril notre joyau bleu, c’est maintenant en prônant ce qu’on connaît et ce qu’on a à perdre en risquant la santé de notre fleuve qu’on devrait sonner l’alarme. Notre fleuve est accablé de nombreuses menaces, la plupart d’origine humaine. Les projets pétroliers qu’on continue à défendre à grands coups d’arguments économiques plus ou moins crédibles émergent, menacent nos eaux et s’ajoutent aux autres risques créés par l’homme : surpêche, pollution ou changement climatique. Tout ça, on le sait aussi. Je vous parle ici des défis auxquels on fait face lorsque tout va bien. Mais quand ça va mal, on sait que ça peut durer. Le cas du naufrage de l’Exxon Valdez en est un exemple : plus d’un quart de siècle plus tard, l’écosystème subit encore les séquelles de la marée noire.

Finie l’ère des scientifiques muselés

Bâillonnés durant 10 ans sous le régime de Stephen Harper, les scientifiques ont maintenant repris leur rôle intrinsèque, et surtout leur droit de parole. Il serait grand temps de les écouter. Le Québec compte un bassin de chercheurs et d’experts de renommée mondiale dans le domaine maritime, en plus de grandes institutions de toutes sortes, gouvernementales, universitaires ou à but non lucratif. Nous avons développé non seulement des connaissances, mais aussi des façons de faire à la fine pointe des procédés et des technologies marines, si bien qu’on sert maintenant d’exemple partout dans le monde. Le savoir scientifique d’ici a servi à empêcher le projet de terminal pétrolier à Cacouna. Les connaissances approfondies et très précises de mes collègues chercheurs ont une très grande valeur. Il serait bon de les considérer davantage.

Changer le discours pour être entendus

Muselée ou pas, ce n’est pas d’hier que la science a du mal à se faire entendre. Dans la majorité des études environnementales stratégiques et autres études produites sur des projets pétroliers, les méthodes sont bâclées, les connaissances sous-utilisées. On s’en tient seulement aux études qui font l’affaire ou on affirme qu’il n’y a rien qui prouve qu’un quelconque effet négatif découlerait du développement de structures pétrolières débouchant sur le littoral ou dans le golfe. Or ce n’est pas vrai. On connaît les impacts. De plus en plus. Le problème, c’est que le discours écolo n’est pas à la mode. Vouloir protéger le Saint-Laurent non plus, semble-t-il.

Pour être entendus, les scientifiques doivent maintenant moduler leur discours : on ne parle plus de l’importance de la biodiversité, mais de sa valeur. C’est triste, mais ça marche. En mettant un signe de dollar sur les produits et services rendus par les écosystèmes, on réussit enfin à attirer l’attention.

La valeur du Saint-Laurent

Il est déplorable qu’un scientifique doive se transformer en promoteur ou en économiste pour être entendu, mais advienne que pourra, plusieurs l’ont fait. Entre autres, l’économiste Robert Costanza a quantifié en 1997 la valeur monétaire de différents écosystèmes en fonction des produits et services qu’ils procurent. Le calcul, pour le golfe du Saint-Laurent, s’élève à 400 milliards par année. Trouvez-moi un projet industriel qui peut accoter ça! Bonne chance!

On croit souvent, à tort, que la mer appartient aux pêcheurs ou aux industries, ou simplement aux autres. Il n’en est rien. La mer, le Saint-Laurent nous appartient à tous, et à ceux qui nous survivront. Il est grand temps d’agir, ENSEMBLE, pour le protéger.

Lyne Morissette est Ph. D. en Écologie des écosystèmes et mammifères marins.

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