Champ libre

Sexy dans les déchets!

Par Kim Gagné le 2016/07
Champ libre

Sexy dans les déchets!

Par Kim Gagné le 2016/07

C’est du 16 juin au 27 juillet que l’exposition Sexy au centre de tri prend place à la galerie Léonard-Parent. Cette production, dont la direction artistique est assurée avec professionnalisme par Marie-Pier Tremblay, jeune militante environnementaliste, regroupe les photographies de Laurie-Edwidge Cardinal, Laurent Caron-Castonguay et Marc Lepage, tous quatre réunis sous l’appellation Les Sympathiques charognards.

Il en résulte une suite de tableaux dont la cohésion s’affirme surtout par le choix des lieux présentés, par la présence de corps dénudés, puis par le travail des couleurs. Chaque photographe explore une approche personnelle – comme un seul corps usant d’accessoires distincts pour affirmer son identité. Si cette division dans la façon d’attaquer le projet peut rendre un peu difficile l’appréciation de l’ensemble, il n’en demeure pas moins que le résultat est cohérent et parvient à rejoindre son public.

Notre regard se dépose à peine qu’il est saisi, ému. Des rencontres parfois surprenantes, mais heureuses, que l’on fait comme un plongeon dans un univers postapocalyptique riche de sensibilité. On y trouve une belle démonstration de l’ordre que le désordre sait contenir.

Les photos de Laurie-Edwidge Cardinal sont empreintes d’une humanité qui arrive à repousser les décombres au second plan. En jouant avec la lumière naturelle, l’artiste met en valeur le corps et ses multiples nuances. Le travail de Marc Lepage offre une mise en scène que l’authenticité de l’émotion nous fait oublier. Son approche explore la narrativité avec une sensibilité certaine – rarement ai-je autant été touchée par une mise en scène. La composition soignée de ses images y est sans nul doute pour quelque chose. L’approche sensible permet de rencontrer cet instant décisif que la vitesse de l’expérience humaine nous fait souvent manquer. Laurent Caron-Castonguay, quant à lui, donne au projet une intention revendicatrice. Sur ce point, il réussit davantage que les deux autres, en offrant un travail qui se nourrit moins de l’émotion des personnages, mais qui s’affirme par une iconographie propre et un humour affirmé. Dans tous les cas, les corps dénudés, parfois déguisés, deviennent objets de notre attention. On montre qu’il reste encore des façons d’aborder la nudité qui vaillent la peine d’être explorées. On s’attache aux corps qui s’offrent, aux regards empreints d’authenticité qui les accompagnent, hésitant ensuite à laisser notre œil glisser ailleurs, comme si le fait de passer à une autre image nous obligeait à les abandonner dans cet univers baroque où l’émotion exsude du chaos.

Si le caractère indécent de la surconsommation que pourraient évoquer les lieux semble annihilé par la force de la présence humaine que notre regard capte, le jeu conserve son intérêt. On y sent peut-être plus le message de corps qui s’offrent comme objets de consommation, jetables malgré leur singularité et leur véracité, que le souci de dénoncer la surconsommation. On y voit du vieux et de l’usure, mais l’on en ressort avec l’impression que la beauté survit au chaos, plutôt qu’avec un sentiment de colère ou l’envie de réduire sa consommation.

Même s’il s’éloigne un peu de son désir de dénoncer l’amoncellement des objets rejetés, voilà un projet qui arrive à créer des images fortes et belles et où on ressent une authenticité certaine malgré le recours à la mise en scène.

Ainsi, devant cette exposition, notre expérience s’enrobera d’éléments qui savent rappeler cette beauté propre au suranné, puis aussi la possibilité que le temps nous confronte, plus tôt que tard, à un univers de rouille et de chair. Par chance, l’on viendra de découvrir que le corps de l’humain est, somme toute, plutôt en beauté lorsque nu dans un champ de débris.

À voir jusqu’au 27 juillet. Avec ou sans enfants. Galerie Léonard-Parent, 186, avenue de la Cathédrale, Rimouski.

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