Cela faisait quelque temps que j’avais noté dans un coin de mon esprit le nom de Gueze. Entendu de la bouche d’un ami, vu sur une affiche, aux détours de médias sociaux. J’ai d’abord écouté ses albums solos disponibles sur Bandcamp. Aussi, j’ai pris connaissance de ses services d’enregistrement et de studio mobile, Urubu, et de son étiquette Inculte, organe centralisateur de ses activités de production et de diffusion artistique depuis deux ans. Comme il est difficile de laisser ses préférences et ses affinités au vestiaire lorsque vient le temps de se pencher sur la pratique d’un pair, c’est en tant qu’improvisateur et multi-instrumentiste que je vous parle de la musique de Gueze. Mais de toute façon, il vous le dira lui-même, son travail ne rejoindra pas nécessairement les amateurs purs et durs des divers genres dont il s’inspire. Black metal, blues, folk, doom, sludge, stoner ne sont que de simples étiquettes pour décrire un travail de création qui ne tient pas strictement compte de l’historique et des traditions de multiples genres et milieux, mais qui s’inspire librement de toutes leurs sonorités.
Un projet d’enregistrement solo est au studio ce que l’auteur-compositeur-interprète est à la scène. Si l’on veut le dire autrement, c’est une sorte d’appropriation de tous les niveaux de production. Plus que du DIY (do it yourself) ou une révolte antisystème, c’est la simple joie de porter des idées et des intuitions artistiques de leur prime éclosion jusqu’à leur aboutissement en un tout cohérent : album, spectacle, promotion, diffusion. Ainsi, il y a un Gueze assis dans son studio qui bagosse sa propre musique, s’immisçant entre les styles qu’il affectionne, du hard rock le plus abrasif jusqu’à un blues-folk totalement immersif. Les pièces se créent par entrelacements d’improvisation et d’arrangements musicaux biseautés au clavier et à la souris, ainsi que de quelques collaborations. En complément, il y a un Gueze qui s’organise pour matérialiser son art et celui d’autres, pour porter devant public des musiques qui ne le seraient pas autrement. De retour depuis peu dans sa région natale, Albertville, Gueze vient ajouter sa propre couleur à un réseau de créateurs dispersés aux quatre coins du Bas-Saint-Laurent. Musicien depuis peu de temps, il est intéressant de voir le style de Gueze se peaufiner au fur et à mesure de ses trois albums : les percussions et les lignes mélodiques quittent peu à peu la rigidité du clic et, sur son dernier split, on constate la totale disparition des échantillons de batterie — tous les instruments sont enregistrés en studio. La prise de son et le mixage y sont agréablement bien maîtrisés et participent à la cohésion de l’ensemble. Quoique m’ayant assurément charmé, on sent que Gueze en est encore à ses premières expérimentations musicales, et il sera intéressant de voir mûrir son « gros blues » teinté d’improvisation, ainsi que les collaborations qu’il ira chercher, autant dans son travail personnel que par ses rôles de réalisateur et de diffuseur.