Champ libre

L’esprit d’un temps

Par Marguerite Rousseau le 2016/03
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Champ libre

L’esprit d’un temps

Par Marguerite Rousseau le 2016/03

Le Musée régional de Rimouski présente, du 21 janvier au 29 mai, L’État des choses, préparée par la commissaire Ève De Garie-Lamanque. L’exposition rassemble une vingtaine d’œuvres contemporaines créées entre 1969 et 2009 par huit artistes canadiens qui portent un regard unique et attentif sur le mode de vie actuel et le quotidien.

Dans No 214, chambre 2223, Hôtel Château Frontenac de Guy Pellerin, la représentation de l’objet dans la vie quotidienne est mise en contraste avec l’absence. Dès l’entrée dans la salle d’exposition, le visiteur est confronté au vide d’une œuvre photographique d’une chambre complètement dépouillée et aux dessins des éléments qui s’y trouvaient. La mise à nu de la chambre d’hôtel efface toute définition que pourraient amener les objets qui la meublaient. Une paire de gants blancs posés sur le cahier à dessin de Pellerin est une invitation à feuilleter le cahier et à explorer l’espace parfois empli par ce qui est journalier, parfois vidé du superflu. Dans l’ensemble, l’accent est mis sur la beauté subtile du banal, la consommation et le désir de s’identifier aux objets.

À droite en entrant, une installation d’Aganetha Dyck présente une file de chandails rétrécis, trop petits pour être portés. Ils tracent un chemin incertain, comme si cette collection de vêtements qui grandit à vue d’œil ne réussissait pas à englober la personnalité entière d’un individu, beaucoup trop complexe. L’installation pointe la quête d’identification et de définition par ce que l’on porte et la futilité de se projeter à travers nos possessions.

Dans ce même esprit de représentation du quotidien, une série d’œuvres d’Anne Ramsden se marient bien à l’ensemble de l’exposition. Elles explorent la trace que laisse la répétition d’un geste, comme le pelletage de la neige, et le motif que crée la routine à travers des dessins d’activités quotidiennes jugées ennuyantes. Les études d’objets domestiques ainsi que l’œuvre Possession, présentant plusieurs photographies d’objets hétéroclites de la maisonnée, encadrés et placés en cercle sur une table au centre de la salle, dénoncent la surconsommation et la tendance à se définir par ce qu’on possède et à s’identifier à partir de l’environnement dont on s’entoure.

Je suis instantanément tombée sous le charme de Le Rite matinal de Sorel Cohen, une image tout en bleu d’une femme assise sur un lit. Le tracé du mouvement du lancer d’une couverture crée un trait flou au centre de la composition. Le flou et l’anonymat du personnage photographié sont touchants. Le geste s’est figé et, pourtant, on y sent une urgence, une rapidité à travers la trace qu’il laisse. Le mouvement de lancer une couverture devient un rite, une habitude et s’inscrit dans le quotidien. La beauté parfaitement banale de ce geste est capturée et conservée.

Au cœur de l’exposition, on peut entre autres aussi admirer Les Ombres blanches, des plâtres de l’artiste rimouskois Bruno Santerre.

Avec L’État des choses, le Musée régional de Rimouski propose une exposition pleine de subtilités, de regards inhabituels et de douces impressions pour l’esprit. Les œuvres sont marquées par la quête de l’identité, le rapport à la consommation, et offrent des moments poétiques du quotidien souvent invisibles dans une époque qui avance trop rapidement, malgré un pas accéléré. L’expression artistique mise sur la simplicité et l’épuration et fait voir cette beauté de tous les jours que nous oublions d’apprécier.

L’État des choses est présentée au Musée régional de Rimouski du 21 janvier au 29 mai 2016.

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