Depuis six ans maintenant, j’ai entendu beaucoup de Québécois me dire que je devais être ben courageuse d’être venue m’installer ici au Québec, ici au Bas-Saint-Laurent, ici à Rivière-du-Loup. Courageuse d’être partie de France, ce si beau pays, en y laissant ma famille, mes amis. Mais courageuse aussi de relever le défi d’un ailleurs qu’on rêve souvent meilleur et qui est simplement différent. Comme si cela prenait une force de caractère exceptionnelle pour, tout en même temps, émigrer et immigrer.
Alors, oui, ça prend de la détermination, de la volonté, mais, à mon avis, pas tant de courage que ça. Car on quitte avant tout une situation, un pays qui présente trop d’inconvénients, de désagréments et on espère qu’en changeant de décor, les choses iront mieux. Quand on arrive, tout est à découvrir : ce à quoi on s’attendait, comme tout ce qui nous surprend dans la différence. Comme tant d’autres, je me suis habituée au climat et aux sports hivernaux : marcher en raquettes, faire des glissades, pelleter la cour avant de déneiger l’auto. J’ai appris la langue québécoise et me suis fait l’oreille aux accents, sans arriver encore à les reconnaître tout à fait. Bref, j’ai adopté la culture québécoise, à la fois si semblable et si différente de la mienne.
Après un certain temps, les nouveautés se font plus rares, les désagréments sont plus fréquents : la lune de miel tire à sa fin. C’est alors que la nostalgie m’a rattrapée. Nostalgie des discussions entre amis quand ici il me restait tant de chemin à faire avant de bâtir d’aussi solides relations. Nostalgie de l’architecture et de la dynamique des villes, tellement plus chargées d’histoire et de mixité culturelle que celles d’ici. Et le plus insidieux : les lunettes roses qui colorient les souvenirs, rendant le pays qu’on a quitté pas mal plus attrayant!
Le vrai courage est alors de rester ici pour laisser le temps à nos racines de s’ancrer durablement dans ce nouveau terroir. Courage de croire dans nos rêves même quand la réalité les ébrèche. Courage de se construire une identité culturelle mixte, entre intégration et conservation. Tout immigrant est aussi un émigrant et c’est trop simplifier que de parler de migrant tout court. La double appartenance est réelle : les bons jours, c’est un pont entre deux cultures et, les mauvais, un déchirement entre deux personnalités.
J’ai donc appris, et j’apprends encore, à m’adapter à ma réalité : penser qu’on est enfin intégré et se faire surprendre par une subtilité, partager mon expérience de Française pour enrichir mon entourage québécois. Entre regrets et découvertes, trouver un équilibre bien à soi.