Champ libre

Le livre instantané

Par Anne-Marie Duquette le 2016/01
Champ libre

Le livre instantané

Par Anne-Marie Duquette le 2016/01

Sébastien Chabot, Élise Turcotte, Kateri Lemmens, Annie Landreville, Nicolas Dickner, Antoine Côté Legault, José Acquelin. Sept auteurs présents au Salon du livre de Rimouski se sont prêtés au jeu duCarnet du secret de la propriété privée. Le concept? Concevoir un livre-objet en 48 heures, au terme desquelles le produit serait mis en vente.

À tour de rôle, sept écrivains ont été invités à venir s’installer dans l’appartement des éditeurs de La Balconnière (Laurence Lola Veilleux, Alexandre Robichaud et
Guillaume Dufour Morin), à y choisir un endroit particulier et à produire un bref texte essayistique, une photographie polaroid de l’expérience de l’écriture. Un seul endroit restait hors de portée des invités : une chambre interdite. Parce que pour écrire, il faut une part de mystère.

« Nulle révélation, mais des écrits de passage, des indices de relations et des archives du travail de l’écriture. » C’est ainsi que s’annonçait le projet Carnet du secret de la propriété privée, organisé par le collectif de microédition.

Le livre-objet qui a résulté de l’expérience se présente sous la forme d’un banal dossier beige. À l’intérieur, d’abord des gants blancs en latex, pour ne pas salir, ne pas laisser de traces. Un mot de La Balconnière. Puis, les sept projets d’écriture de l’instantané, chacun relié par un trombone. Photos, pièces à conviction (mèches de cheveux, stylo, papier de pastille), brouillons, notes gribouillées, poèmes, essais : chaque projet renferme son mystère, son enquête et ses résultats.

La contrainte de l’écriture sur le vif provoque un effet de transparence. C’est ce que l’on constate en lisant l’œuvre : pas le temps de dormir sur une phrase claudicante, de réfléchir au mot exact, pas le temps de reculer et de revenir. Il faut fournir du « vif » sur une page 8 ½ par 11 en papier kraft, recto verso. Pas question de souffrir du syndrome de la page blanche.

Sept univers différents, sept regards distincts et ô combien vivants ont émergé. Les écrivains se sont tous jetés, sans filet, sans droit de recul, dans le projet de La Balconnière.

La forme du livre-objet évoque clairement un dossier d’enquête criminelle. Elle donne l’impression de s’immiscer dans l’intimité de l’acte d’écriture : des photographies en noir et blanc de mains sur un verre en carton, d’une silhouette entre les barreaux d’un escalier, une mèche de cheveux dans un sachet de plastique, mais surtout des clichés de l’esprit. En tant que lecteur, on se sent privilégié d’accéder au texte et à son envers. On a envie de lire sur la pointe des pieds. On a l’impression d’accéder à une radiographie de l’esprit d’écrivains, à l’atelier d’artistes en train de se produire.

La Balconnière, collectif de création, revisite l’objet qu’est le livre. Son projet de microédition se définit lui-même comme producteur de « littérature poubelle », en référence aux matériaux du quotidien réutilisés pour fabriquer les livres. Le Carnet du secret de la propriété privée s’adresse à ceux qui n’ont pas peur : pas peur de sortir de leur zone de confort, pas peur de faire fi des conventions et de sauter à pieds joints dans l’expérience.

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