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Rocco Siffredi et un burkini

Par Fred Dubé le 2015/11
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Rocco Siffredi et un burkini

Par Fred Dubé le 2015/11

Pendant qu’au Japon, vingt-six universités ont annoncé qu’elles ferment leurs facultés de sciences humaines et sociales pour favoriser des disciplines qui servent « mieux » les besoins économiques de la société, l’ancienne star du porno Rocco Siffredi ouvre son « université du hard ». Dans une partie du monde, on juge déchus l’histoire, la philosophie et autres domaines « non rentables » et, dans une autre partie, l’étalon italien, dans son « université », va enseigner, à 30 étudiants à sublimer leurs talents naturels pour le cul. Si Jackson Pollock était né au 21e siècle, il aurait fait du dripping autrement. Les cours dureront 15 jours, avec une série de tests, depuis la façon de se positionner face à la caméra aux techniques de diction. Diction? « Un chasseur, fuck, sachant chasser, fuck, doit savoir chasser sans son chien, I’m fucking coming! »

Malheureusement, le Québec n’échappe pas aux décisions stupides concernant l’éducation. Les libéraux coupent en malade sans autre plan social que « l’austérité ». Les budgets en éducation sont aussi équilibrés que le doc Mailloux sur une patte. Quand on regarde la qualité des débats au Québec ces temps-ci, on peut affirmer qu’on manque de philosophie, d’histoire et de culture. Disons-le clairement : il règne un climat de racisme engraissé par l’ignorance. Avoir un malaise avec le voile intégral est compréhensible. On peut se questionner, ne pas être d’accord. Mais développer un sentiment de haine et de peur comme des crisses de caves qui n’ont rien appris de l’Histoire qui se répète est inacceptable. À chaque époque, en temps de crise, les sociétés se sont trouvé des boucs émissaires. De plus, au cours des quatre dernières années, 686 195 personnes ont obtenu la citoyenneté canadienne. Sur le lot, seules deux femmes ont refusé de se dévoiler lors de la cérémonie. Alors, comment et pourquoi ce sujet est-il devenu l’enjeu le plus médiatisé de la campagne électorale? On a traversé la plus longue campagne électorale de notre histoire. La plus longue! Parfait, j’ai aucun problème avec ça. Le moment idéal pour débattre, réfléchir, aller en profondeur d’une pléthore de sujets sociaux et d’enjeux vitaux. Bien non. Niqab, niqab, niqab en boucle! Les paradis fiscaux assassinent la justice sociale, les sables bitumineux mettent en péril la survie de l’espèce humaine, le néolibéralisme prend en otage notre culture, pis t’essayes de me faire croire qu’une poignée de femmes voilées est le plus grand danger immédiat pour notre démocratie, notre pays, nos valeurs et nos bélugas? C’est quand la dernière fois qu’une femme voilée a voté une loi au Parlement? Tous les jours, y’a une trâlée de monde qui ne respecte pas « mes » valeurs : le monde qui fait la file au McDo, le monde qui regarde Le Banquier, le monde qui fait des shows de boucane sur des routes de campagne, le monde qui boit les paroles de l’extrême droite dans les radios-poubelles. Qui respecte le plus mes valeurs : une femme catholique qui vote conservateur ou une femme voilée qui vote contre? Je me le demande. Nous sommes une bande de consommateurs abrutis. Nos valeurs ne sont plus inscrites sur notre carte d’identité, mais sur notre carte de crédit. Comme de fieffés douchebags illettrés, on se laisse manipuler par la peur et l’ignorance crasse. Certains intellectuels patentés me traiteront d’islamo-gauchiste, car je refuse d’être l’appareil de ma peur. Je ne défends pas le port du voile, mais je défendrai toujours son instrumentalisation politique et la femme en dessous. Le juge à la retraite, Robert Décary, ne se gêne d’ailleurs pas pour résumer la situation : « Incompréhension, duperie, incompétence, mauvaise foi, désinformation, démagogie : je ne sais laquelle de ces expressions décrit le mieux le traitement donné, autant par le milieu politique que par le milieu journalistique, au récent jugement de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire du port du niqab. » Jadis, péril communiste, aujourd’hui, péril islamiste, demain, péril sensationnaliste.

Sur une tout autre note, j’habite à Montréal; mes parents, à Rimouski. Et ils me disent que je ne les visite pas assez souvent. Avec les 8 milliards de litres d’eaux usées de caca que la métropole s’apprête à déverser dans le Saint-Laurent, y’aura un peu de moi qui passera vous voir. Envoyez-moi la main! Mais pour les prochains temps, si vous voulez vous baigner dans le fleuve, portez un burkini pour des questions de santé.

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