Champ libre

Cartographie du quotidien

Par Thuy Aurélie Nguyen le 2015/11
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Champ libre

Cartographie du quotidien

Par Thuy Aurélie Nguyen le 2015/11

Le cours normal des choses est le premier recueil de poésie de Sara Dignard. Publié aux Éditions du passage et délicatement cousu à la main, ce recueil est né du séjour de l’artiste aux Îles-de-la-Madeleine entre les automnes 2013 et 2014. Le projet Cartographie de la mémoire lui a permis de recueillir les confidences des Madelinots sur l’histoire des lieux en transformation et l’artiste nous livre aujourd’hui le fruit de son expérience, après en avoir filtré l’ombre et la lumière. Sara Dignard explore le territoire qui nous altère autant que nous l’altérons : « J’ouvre un à un /des territoires neufs / avec les dents »,« Creusons des routes / à même la falaise / pour y chanter un bonheur de gorge / que les oies connaissent par cœur ». Ainsi, l’auteure dessine, mesure, cherche pied, parle tracés, calendrier des marées, courbes de température, tout en congédiant les géomètres. Elle cherche à fixer des repères dans un paysage en mutation au rythme des saisons qui passent. Au fil de poèmes minimalistes, le territoire se dessine par touches, dans sa beauté et son érosion. Le recueil dessine aussi la trace d’une présence, d’un amour qui commence et qui prend place dans l’absence – « ton odeur en boîte / une photo tronquée / les clés d’hier / ta voix de répondeur / le frigo qui fond dans le corridor ». Cet amour qui commence se cherche et se déploie lentement : « nous déplions la carte / pour la première fois / sans la peur de la déchirure ». Cartographie du quotidien, le recueil tente enfin de saisir « l’impalpable » et de retenir les instants précieux avant qu’ils ne s’effacent : « sous les cloches de verre / chaque bonheur retenu / par des aiguilles ».Le cours normal des choses se construit dans l’univers intime et feutré de la maison à travers les gestes du quotidien aussi bien que dans les paysages insulaires de frasil et de goémons. Le mouvement et l’immobilité, l’enracinement et le déracinement, la présence et l’absence structurent l’œuvre sans jamais choisir une voie plutôt qu’une autre. Les derniers vers du recueil « et j’ai la voix claire / pour la première fois » évoquent la joie du chemin parcouru autant que la promesse de ce qui s’en vient.

Originaire de Montréal où elle s’est fait connaître par ses slams, Sara Dignard vit aujourd’hui au Bic. Étudiante à la maîtrise en création littéraire à l’Université du Québec à Rimouski, l’auteure amorce l’écriture de son deuxième recueil de poésie, tout en participant à un projet de création de L’Exil sur le sentiment d’appartenance au territoire.

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