Comment garder espoir dans un environnement aussi désespérant? Ainsi, est-ce que la multitude d’articles rédigés au Mouton Noir par ces rebelles de la norme a réussi à créer un vent de changement depuis 20 ans? De prime abord, rien! Il y a de quoi être désespéré…
Autre exemple, le déclenchement des élections fédérales, le 2 août dernier, risque de reporter au pouvoir le gouvernement du général Harper pour un quatrième mandat. Ce premier ministre qui est une honte a été rappelé à l’ordre par l’ONU dans un rapport de Maude Barlow intitulé La trahison bleue. Rapport dans lequel on relate que le général a sacrifié la qualité de l’eau potable au profit de l’industrie pétrolière. Qui plus est, en juillet dernier, on a vu cinq millions de litres fuir d’un oléoduc en Alberta, de ce même genre de pipeline que l’on veut enfouir en sol québécois. Et ces couillons de politiciens complices nous ânonnent que tout est sécuritaire. Les inconditionnels de l’environnement, dont nous sommes, ont donc argumenté, inutilement me dira-t-on, que ces polichinelles sont des vassaux des pétrolières et du monde de la finance. Il y a de quoi être désespéré!
Plus près de nous, le gouvernement du premier ministre Couillard sème un vent d’austérité à qui mieux mieux. Ce n’est qu’une « vue de l’esprit », dit-il au peuple incapable de saisir la nuance de son idéal politique. Et son ministre des finances, M. Leitão, qui répond aux indignés dénonçant le transfert par Bombardier de 500 millions au Luxembourg : nous allons vérifier, mais nous sommes certains que cela a été fait en toute légalité. Et on veut nous laisser croire que ces politiciens ne sont pas complices d’entreprises qui, au vu et au su de tous, transfèrent des montagnes de dollars à l’abri de l’impôt. Passons sous silence les bateaux de la Canada Steamship Lines appartenant ou ayant appartenu à Paul Martin, ex-ministre des Finances canadiennes, et qui transportent du fret sur le Saint-Laurent tout en battant pavillon de complaisance. N’insistons pas non plus sur l’arrogance et la suffisance du ministre Coiteux, triste incompris, qui dénigre ceux qui « naviguent à courte vue » et ne comprennent pas que les finances du Québec requièrent de façon impérative un « redressement administratif » qui est, semble-t-il, autre chose que l’austérité. C’est encore la classe moyenne qui subira et qui verra son pouvoir d’achat diminuer, comme toujours depuis le début des années 1980. Et cette vision n’a rien d’idéologique, nous laisse-t-il entendre : elle relève de la rationalité économique. J’entends d’ici feu M. Parizeau en pouffer de rire dans sa tombe.
Il y a de quoi être désespéré, d’autant plus que nous savons que l’allégorie de la main invisible n’est qu’un mythe et que les décisions économiques sont porteuses d’une vision du monde, donc nécessairement idéologiques.
Et peut-être loin de nous, mais plus près qu’on le croit, il y a cette troïka (UE, BCE, FMI) qui a contraint le peuple grec à s’agenouiller et à fléchir la tête. Et ce, malgré un référendum organisé par le gouvernement d’Alexis Tsipras pour contrer les politiques d’austérité. Tsipras est revenu de cette négociation de la dernière chance, mandat dans la poche arrière et tête baissée. La chancelière Angela Merkel étant la tenante de la ligne dure, nous sommes en droit de nous demander s’il n’y a pas là une forme de reconquête par l’Allemagne du territoire européen. Faute d’armée, la chancelière utilise l’arme de la finance, comme le souligne John R. MacArthur dans l’éditorial du Devoir du 3 août dernier.
Il y a de quoi être désespéré… puisque comme le dénonce si bien Joseph Stiglitz, ancien chef économiste de la Banque mondiale : « Ce que l’Allemagne a imposé à coups de bâton est tout simplement inconcevable. C’est aussi de la très mauvaise politique économique. On va continuer à imposer des modèles qui sont contre-productifs, inefficaces et producteurs d’injustice et d’inégalités.» (Le Devoir, 18 juillet 2015)
Comment garder espoir dans un contexte aussi désespérant? Aurait-on oublié que David a vaincu Goliath? Que Rosa Parks a refusé de céder son siège à un blanc en 1955? Que James Meredith fut le premier noir américain, protégé par la garde nationale, à être admis dans une université du Mississippi en 1962? Qu’Obama a obtenu un second mandat et est le premier président noir à occuper la Maison-Blanche?
Aurait-on oublié, plus près de nous, l’implication citoyenne qui a permis de faire reculer le lobby des gaz de schiste qui voulait s’approprier la vallée du Saint-Laurent? Le mouvement des Carrés rouges qui a fait reculer un gouvernement acrimonieux? Le mouvement Idle No More qui a commandé le respect du général Harper?
Il est certain que la situation peut sembler, parfois, désespérante, mais cette responsabilité citoyenne est la seule voie pacifique qui nous permettra de « démocratiser la démocratie » et de passer d’une démocratie de délégation à une de participation. Gardons espoir que ces insipides qui nous gouvernent seront chose du passé.
Il nous faut vivre d’espoir et nous indigner!