Champ libre

Le Buvard : pari tenu

Par Pénélope Mallard le 2015/09
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Le Buvard : pari tenu

Par Pénélope Mallard le 2015/09

Librairie ambulante de proximité, rêve de « p’tit gars » qui souhaite vivre dans un « truck » entouré de livres, expérience de vie intense, Le Buvard est une première au Québec. Écrivain, éditeur, homme de cirque, libraire nomade, chroniqueur qu’on ne présente plus, Michel Vézina et son acolyte Maxime Nadeau sillonnent les routes de la province, surtout des Cantons-de-l’Est, et du Bas-Saint-Laurent aussi, depuis le mois de mai.

« Oui on vend des livres, mais notre objectif est nettement plus de vendre de la littérature, de remettre à sa place l’importance de la littérature dans la fabrication de nos imaginaires », affirme Michel Vézina dans la capsule de La fabrique culturelle consacrée à cette librairie unique au Québec. Livres neufs, usagés, romans, poésie, nouvelles, essais, Le Buvard propose une « sélection choisie » d’environ 1 500 à 2 000 titres et s’arrête dans les villages et les petites municipalités où il n’y a pas de librairie. « Y a des yeux qui s’allument. Il y a même des gens qui modifient leur itinéraire de vacances pour nous suivre et revenir nous voir », me confie Michel Vézina en entrevue. Au bout de quelques mois seulement, Le Buvard fait déjà face à un problème de développement : il faudrait un deuxième camion, ce qui ne sera pas le cas ici. « Ça ne m’intéresse pas du tout de gérer une grosse machine, ni une flotte », poursuit le libraire.

Des mythes qui volent en éclat : non, la littérature n’est pas morte, même en région

Certes, le pari était risqué, le choix de livres aussi. Au début, les distributeurs se montraient sceptiques. « Ils commandent des trucs que personne ne vend. »

En effet, Michel Vézina et Maxime Nadeau comptent au nombre des « lecteurs assez tripatifs ». Aux best-sellers, ils préfèrent « la microédition – Rodrigol, L’Écrou, La Tournure, Moult –, les auteurs un peu obscurs, du William Burroughs ou du Truman Capote à du Mark Twain, même si Mark Twain, c’est quand même grand. » Donc, au Buvard, vous ne trouverez pas Cinquante nuances de Grey. La littérature du camion rouge est à l’image de ses créateurs, « assez rock ». Pour Maxime, féru de poésie, il était essentiel que ce rayon occupe une grande place sur les tablettes. Les deux complices sont donc partis sur cette lancée, prêts à rajuster le tir si les livres ne se vendaient pas. Le changement de cap ne sera pas nécessaire, sauf peut-être pour la BD qui traîne un peu la patte. « On passe dans des villages où, selon la rumeur, la littérature, ça ne marche plus. Ce qui fait vendre, ce sont les livres pratiques, le développement personnel. Nous, on n’en a pas de ça. C’est cette première constatation qu’on fait mentir. Je pense que c’est la partie du projet qui m’enchante le plus », insiste Michel Vézina.

Et la poésie? En région? « La première journée ici, à Rivière-Trois-Pistoles, on a vendu près de 600 $ de livres, c’est quand même pas rien! Et tous des livres hyper pointus : poésie, essais, microédition. La section de poésie a été dévalisée! »

Autre anecdote éloquente : en tête des ventes, Le livre du Ch’fal, un recueil de textes publié par les Éditions Rodrigol pour les 25 ans du Cheval Blanc, microbrasserie de la rue Ontario, à Montréal. « Rodrigol est une toute petite maison d’édition. Il doit y avoir une dizaine de librairies au Québec qui ont ce livre-là. » Maxime renchérit : « On est super fiers de ça. »

Kamouraska, l’avenir, la Gaspésie, la France et le partenariat local

C’est en quelque sorte à Kamouraska qu’a été donné le coup d’envoi de la programmation culturelle du Buvard, avec comme invités Roméo Bouchard, Pierre Landry, Pierre Giard, Christian Bégin, entre autres. De Bic à Sherbrooke, de Trois-Pistoles à Cookshire, d’autres invités ont suivi : Annie Landreville, Laurence Lola Veilleux, Stéphanie Pelletier, Geneviève Drolet, Stanley Péan, Kim Thúy, Hélène Desjardins, pour n’en citer que quelques-uns. « À Kamouraska, la municipalité nous a demandé de travailler en collaboration avec la bibliothèque municipale. Quand un organisme local nous fait venir, s’occupe de la promo, s’arrange pour que les choses se sachent, c’est tellement plus facile. » Voilà donc l’une des conclusions que tire Michel Vézina de cet été d’observation. C’est d’ailleurs le travail d’Émilie Parent-Watt, adjointe au développement et aux communications du Théâtre du Bic, qui a rendu possible le passage du Buvard dans le Bas-Saint-Laurent.

L’avenir repose sur l’organisation de tournées avec des partenaires locaux. « On veut que ce soit un événement, l’arrivée du Buvard. » Espérons-le, c’est peut-être ainsi que le camion rouge pourra se rendre en Gaspésie l’an prochain. Avis aux amateurs.

Après le Festival Agrirock de Saint-Hyacinthe fin septembre, Le Buvard s’arrêtera à la Société des arts technologiques (SAT) début octobre, à Montréal, avant de remiser la librairie pour l’hiver, période de l’année que Michel Vézina passe en France, avec pour projet déjà bien avancé de réitérer l’expérience dans l’Hexagone. D’ailleurs, la campagne de financement va bon train dans Facebook. En attendant le printemps et le retour d’Ulysse, puisque c’est le nom du camion rouge, nous réécouterons les entrevues de la saison à Radio Buvard La littéraire, sous forme de fichiers balados (podcasts) hébergés sur un site par la SAT et diffusés dès octobre. Longue vie au Buvard!

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