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Le faux principe de notre démocratie

Par Gaspar C. Lépine le 2015/06
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Le faux principe de notre démocratie

Par Gaspar C. Lépine le 2015/06

Voter, c’est participer à la vie politique. Cette phrase que l’on retrouve chez certains, notamment journalistes et intellectuels, hérauts de la démocratie représentative, est malheureusement vraie. Est-ce par contre un idéal souhaité?

Force est de constater que, depuis un certain temps déjà, cette question se fait de plus en plus incontournable. Peu importe le parti au pouvoir, des conservateurs d’un ancien temps au Parti libéral de Jean Charest, en passant par l’Union nationale, tous semblent s’asseoir sur une légitimité de fer qui leur permet de décréter quelques orientations qui leur conviennent. Cette attitude cavalière s’illustre de nos jours par la surdité flagrante de nos dirigeantes et de nos dirigeants face à la contestation sociale et à la volonté populaire de voir émerger un Québec différent.

En réaction à ce manque de consultations et de participation démocratique, on présente souvent quelques idées qui pourraient amoindrir ce mal tentaculaire. L’instauration d’un régime proportionnel ou les élections à date fixe sont les solutions les plus souvent relayées dans nos médias. De telles solutions feraient certes varier les résultats des futures élections (et porteraient peut-être même votre parti préféré au pouvoir), mais elles ne semblent pas du tout appropriées pour les transformations qui s’annoncent nécessaires au Québec (et partout ailleurs). Il est nécessaire de considérer le problème à sa racine, de considérer la question dans une perspective critique et d’en produire une analyse radicale.

Dans notre système représentatif, la vie politique tend à se résumer à la participation aux urnes. Ultime action du transfert de la souveraineté des individus vers leurs dirigeants, le fait de voter représente en réalité un abandon de sa souveraineté propre. C’est uniquement dans cette mesure que les élues et élus peuvent prétendre au pouvoir, lorsque suffisamment d’individus leur cèdent leurs pouvoirs politiques individuels. Ainsi, « tu n’as pas voté, tu ne peux pas te plaindre » se renverse pour devenir « tu as voté, tu as abandonné ta souveraineté à d’autres, tu ne peux pas te plaindre ».

À partir du moment où est consacré cet abandon, lorsque « la tendance se maintient », les individus sont presque totalement exclus des exercices politiques qui vont définir les orientations de la nation. Les miettes de démocratie participative qui demeurent se résument aux consultations parlementaires, au travail des lobbyistes ou aux manifestations populaires. Ces miettes établissent un accès inégal, antidémocratique, aux décisions publiques. D’un côté, les parlementaires ont tout le loisir de ne pas écouter les recommandations des représentants de la société civile même lorsque ces derniers agissent de manière rationnelle et parlent au nom du bien commun. Mais lorsque des lobbyistes, soutenus par l’argent du capitalisme, prennent la parole, il y a de fortes chances qu’ils soient pris au sérieux1. Quel individu a les moyens d’inviter un élu dans un restaurant haut de gamme pour lui exposer le problème qui afflige sa communauté? Les audiences royales et les doléances de la Renaissance sont maintenant réservées aux gens qui en ont les moyens. Le souverain ne daigne plus écouter les pauvres.

En réaction à ce manque de consultations et de participation démocratique, on présente souvent quelques idées qui pourraient amoindrir ce mal tentaculaire.

Dans ce contexte, les individus sont contraints à subir la vie politique, organisée par les élues et les élus, mais aussi par les bureaucrates, les juges, les corps policiers et la publicité. C’est dans ce climat que s’établit la norme sociale de l’existence politique, de l’existence tout simplement – enfermée entre les lois et les décrets, et maintenus par le monopole légitime de la violence. Il n’est plus de décisions collectives qui organisent le vivre-ensemble, il est maintenant imposé. Mais cette réalité n’est pas nouvelle. Dès son origine, l’État moderne entretient un rapport coercitif avec « sa population » et fait preuve de favoritisme envers le capitalisme naissant.

Alors, si on se demande à nouveau si le vote représente la participation politique, la vie politique, force est de constater qu’en fait, le vote signifie son désengagement, l’abandon de toute volonté de participation. Mais alors où se trouve l’essence de la vie politique? Elle se trouve dans un renouveau culturel, à la fois politique, économique, sexuel et éthique. Ce renouveau est l’affirmation d’un refus de la société capitaliste marchande et une volonté de nouveaux fondements pour la société de demain. La commune représente une partie de cet idéal. Elle repose sur un pacte, celui « de se confronter ensemble au monde. C’est compter sur ses propres forces comme source de sa liberté.2 »

Voir Bruno Massé, « Le problème du lobbyisme au Québec, la réforme et le cas de l’environnement », Huffington Post, 2 octobre 2014.

Comité invisible, À nos amis, La fabrique, 2014.

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