
Il est devenu commun de parler du projet de Pétro-pays du gouvernement Harper. Si la dernière production de Denis McCready – L’Or du golfe, du réalisateur Ian Jacquier, produit par Laterna Films Inc. – ne pouvait éviter elle non plus ce rapprochement, on peut les féliciter de ne pas avoir fait étalage de cette évidence et d’avoir plutôt opté pour les rapports (volontairement) ambigus que les derniers gouvernements du Québec ont entretenus avec l’industrie pétrolière et gazière sur le territoire. On parle de petites entreprises qui ne souhaitent que se mettre en position (droits, lois, infrastructures, etc.) pour se faire acheter par plus grosses qu’elles, puis s’en laver les mains.
Alors qu’Anticosti : la chasse au pétrole extrême – également issu des productions du Rapide Blanc – s’était fait dans l’urgence, avec les défauts, mais surtout la force qu’on lui reconnaît, L’or du golfe se présente comme une suite au propos, moins émotive, plus étoffée. D’ailleurs, plusieurs des intervenants du documentaire de Dominic Champagne reviennent à l’écran, plus sereins, quoique leurs inquiétudes ne soient nullement diminuées. Le nombre d’intervenants provenant de divers champs de spécialisation est impressionnant. Les discours sont riches et permettent de sensibiliser les spectateurs aux difficultés que pose la question du pétrole dans le Saint-Laurent.
Plusieurs environnementalistes ont ici la possibilité de présenter une vue d’ensemble de l’immense stratégie commerciale et politique d’une industrie qui préfère tabler sur la rhétorique à grands coups de campagne de relations publiques, plutôt que de faire ses devoirs en matière de sécurité et de développement durable. Sur ce point, la rhétorique du documentaire est éloquente car, en l’absence de contrôle ou d’échappatoires, les chantres de la révolution pétrolière révèlent un pan de leur vrai visage, juste assez pour qu’on devine leurs réelles intentions. Ils se font rassurants, ils parlent « d’une étape à la fois », ils font des cadeaux, ils s’avouent candidement sans réponses sur certaines questions. Le tourment qui peut habiter le spectateur devant cette industrie est synthétisé par un citoyen qui dit à peu près ceci lors d’une assemblée publique présentée dans le film : « Soit ils nous mentent, soit c’est la démonstration de leur parfaite incompétence. »
L’or du golfe montre tout ce qui ne fait pas la « nouvelle »
Avec l’artiste gaspésien Kevin Parent comme entremetteur – notez qu’il est également l’instigateur du projet –, on ne peut lui faire le reproche de se mêler d’affaires locales/régionales qui ne le regardent pas. Car il ne s’agit pas que d’enjeux économiques régionaux, mais bel et bien des questions de société qui ne doivent pas se régler à huis clos à Montréal ou à Québec.
Comme pour le film La chasse au pétrole extrême, l’équipe de tournage s’est rendue au Dakota du Nord pour constater les effets du « boom » pétrolier. Pour compléter le portrait des effets néfastes que le premier film avait tracé, le réalisateur Ian Jaquier a choisi de se tourner vers ceux à qui le « klondike » profite plutôt que vers ceux qui en ont écopé. Et c’est sans doute plus perturbant, vous le constaterez.
L’or du golfe, un documentaire de type grand reportage, montre tout ce qui ne fait pas la « nouvelle ». Il offre une bonne dose de gros bon sens qui s’oppose à la folle entreprise à laquelle on tente insidieusement de nous contraindre.
L’or du golfe sera présenté au cinéma Paralœil de Rimouski le jeudi 9 avril à 19 h 30, en présence du réalisateur Ian Jaquier et de Kevin Parent.