
Les raccourcis faciles, les mythes sur les agressions sexuelles, la victimisation et la surresponsabilisation des femmes, l’obligation de se taire, la déresponsabilisation des hommes, l’antiféminisme, les attaques haineuses, les amalgames douteux et disproportionnés sont des phénomènes omniprésents dans l’actualité et dans les discours de journalistes qui en parlent comme si elles ou ils avaient une idée juste de ce dont il s’agissait.
Tout d’abord, rappelons que nous ne revendiquons pas l’action de dénonciation anonyme des collants sur les portes des professeures et des professeurs de l’UQAM, mais que nous en sommes totalement solidaires. Nous refusons de mettre en doute la parole des femmes qui, encore une fois, n’est pas considérée comme légitime et qu’on tente, à nouveau, de réduire au silence.
Rappelons que la première chose à faire lorsqu’une femme dénonce une agression est d’écouter ce qu’elle a à dire et de respecter ses choix. En ce sens, nous répétons ce que plusieurs femmes et féministes disent : le processus judiciaire institutionnel est un processus lourd et violent pour les femmes agressées. Il demande entre autres de revivre l’agression à travers son récit et d’être confrontées à l’agresseur. La justice utilise la logique de l’agresseur. Nous refusons d’imposer ces démarches qui perpétuent les violences faites aux femmes.
Nous refusons de mettre en doute la parole des femmes qui, encore une fois, n’est pas considérée comme légitime et qu’on tente, à nouveau, de réduire au silence.
De plus, les plaintes d’agressions sexuelles sont parmi les crimes les plus difficiles à appuyer de preuves matérielles, si importantes dans notre système judiciaire. En effet, les traces physiques et les témoins sont généralement inexistants. Les impacts psychologiques pour les femmes sont toutefois omniprésents. Une fois dans le processus judiciaire, les événements n’appartiennent plus à la victime/survivante. Celle-ci devient témoin de l’histoire et les audiences sont ouvertes au public. Le procureur n’est pas son avocat, il représente plutôt la soi-disant neutralité. Sur 10 % des femmes qui portent plainte, seules 3 % se rendent au procès, et les résultats sont loin d’être satisfaisants. Les avocats de la défense emploient des stratégies afin de retarder le procès en plus d’utiliser un langage violent et de mettre de l’avant de nombreux mythes et des préjugés entourant les agressions à caractère sexuel.
Dans le cas où l’agresseur est acquitté, il arrive qu’il amène la victime/survivante en procès pour diffamation ou atteinte à la réputation. Il est ainsi tout à fait légitime qu’une femme rejette ce processus.
Le pouvoir, c’est encore les hommes qui l’ont en imposant les frontières et les termes du débat, en imposant les institutions et les modes de dénonciation. Les hommes ont le pouvoir de contrôler les débats entourant les violences à caractère sexuel faites aux femmes en plus de maintenir leur pouvoir sur elles. Nous refusons de croire que les outils et lois mis en place dans l’intérêt des hommes permettront un jour d’éradiquer la culture du viol.
Toutefois, les médias et les juristes martèlent l’importance d’utiliser les canaux officiels de dénonciation. Pourtant, aucune journaliste ni aucun journaliste ne croit pertinent de dire que ces canaux officiels sont dysfonctionnels.
Dès que les luttes féministes parviennent à une certaine visibilité et remettent en question les systèmes qui oppressent les femmes, un backlash antiféministe s’organise. C’est ce qu’on peut comprendre de la résistance face aux dénonciations anonymes et de la présomption d’innocence qui prend le dessus sur le soutien aux femmes qui dénoncent. On tente ainsi encore une fois de réduire les femmes au silence et de leur refuser le droit de parole dans des débats qui leur appartiennent.
Tout le monde n’est pas d’accord avec ces méthodes de dénonciation. Plusieurs préfèrent voir les dénonciations anonymes de l’UQAM comme une forme de « squat » du mouvement contre la culture du silence. Et les « squatteuses » selon cette logique empêcheraient qu’on se concentre collectivement sur le « vrai » problème.
Diviser le mouvement pour mieux régner, dans ce cas pour garder le statu quo, puisque la culture du viol profite à la domination masculine.
Dans le cas où l’agresseur est acquitté, il arrive qu’il amène la victime/survivante en procès pour diffamation ou atteinte à la réputation. Il est ainsi tout à fait légitime qu’une femme rejette ce processus.
Quand il y a agression, c’est parce qu’il y a agresseur! Briser le silence est essentiel puisque le silence permet justement à la culture du viol d’être « normalisée ».
Refuser le droit aux femmes de s’identifier comme des survivantes rappelle comment la société préfère présumer de l’innocence de l’agresseur que croire les femmes. Nous refusons de parler le langage des agresseurs, car il perpétue la culture du viol. Nous parlons donc de victime ou de survivante et refusons le terme de « supposée victime ». Si les femmes s’identifient comme des survivantes, respectons leur choix et évitons d’utiliser un langage juridique violent qui présume que ces femmes mentent.
Le système et les institutions sont suffisamment forts pour contraindre la vaste majorité au silence. La culture du viol est ainsi faite, et ses rouages sont bien ancrés. Imposer le silence est aussi une violence. La culture du silence est ce qui permet de nier la culture du viol. Refuser que les femmes dénoncent, et ce, selon la méthode de leur choix, c’est s’opposer à l’éradication de la culture du viol. Brisons la culture du silence pour permettre une prise de conscience individuelle et collective de la culture du viol et éradiquons-la!
Nous réitérons notre solidarité avec les femmes qui choisissent d’emprunter les processus de plaintes officielles uqamiens et criminels; les femmes qui choisissent d’autres processus pour dénoncer; les femmes autochtones qui tentent depuis nombre d’années de faire reconnaître les violences à caractère sexuel qu’elles subissent de manière systémique; les femmes qui, par le racisme, le capacitisme, l’âgisme, le « classisme », le colonialisme, vivent les agressions à caractère sexuel d’une position spécifique; les femmes qui restent silencieuses; les femmes qui ont peur ou se sentent vulnérables autant dans l’espace public qu’à leur domicile; les femmes, les féministes et les groupes communautaires qui travaillent, militent pour contrer la culture du viol et qui offrent un soutien plus que nécessaire aux survivantes. Solidairement, nous refusons de nous soumettre!
« Les Hystériques » est un collectif d’actions et de sensibilisation au sexisme et à l’antiféministe dans les milieux universitaires et militants. Par ses pages Facebook et Tumblr, le collectif souhaite créer un espace de dénonciation anonyme des propos sexistes et antiféministes à l’UQAM et dans les milieux militants.
Illustration en couverture
Karine Tanguay est détentrice d’un baccalauréat en art visuel et médiatique de l’Université du Québec à Montréal. Née dans le faubourg Hochelaga, elle sonde les liens entre poésie et visuel. Si elle voulait cerner l’essence des choses, c’est en voulant créer le profond, ardent et significatif qu’elle tente de joindre la sphère émotive. Son travail cherche à livrer sans scrupule, avec sensibilité, brièveté et immanence, une charge qui lui fait fi. Il n’y a pas chez elle de prosaïque, sa résonance convoite parcimonieusement le lyrisme et la rétention, faisant exister un vocabulaire sensible qui penche vers une poétique symbolique. À ce jour, Karine a participé à quelques expositions collectives à Montréal. Elle a accepté de collaborer avec Le Mouton Noir en créant sur commande l’oeuvre reproduite en première page. Elle signe également sa première critique culturelle, qui porte sur le documentaire Ceux comme la terre de Nicolas Paquet, en page 12 de la section Champ Libre.