Pudique, la langue de Poissons volants n’en est pas moins concrète et affirmée, incarnée. Dans ce deuxième recueil, les poèmes de François Rioux s’avancent un peu plus profondément sur la piste aménagée par Soleils suspendus, son premier livre. Fragmentés en cinq séries, les textes éclairent de minuscules moments du quotidien, les idées faisant du pouce sur les mots, les gestes sur l’écriture : « Et quel voyage nous allons faire / mon corps et moi le même voyage / au dépanneur vendre des canettes / avec des lettres à l’intérieur / onze heures moins quart on a le temps / on longe les trous d’eau les autos / dans la nuit sage et jaune-orange / on remonte un fleuve de Guinness. »
Histoires d’hiver ou d’amants, moments d’étrangeté sur la rue ou à la buanderie, chaque tableau écorche et démonte l’instant présent avec la retenue et l’humour pince-sans-rire qu’on reconnaît au poète. Tout y est dans ce que j’aime de la poésie : cette impression d’être happée, enveloppée par les mots, les mots qui résument à eux seuls un état d’être, un sentiment qui autrement, sera perdu dans l’expérience de vivre.
François Rioux, Poissons volants, Le Quartanier, 2014.