
Dans cette section, le rédacteur en chef du Mouton Noir, Marc Simard, partage avec les lecteurs ses coups de gueule, des textes coup de cœur de collaborateurs et encore plus…
Cette semaine, Marc vous invite à lire les commentaires de Charles Hachey de Rimouski à propos du court métrage La Ripaille de Moïse Marcoux-Chabot.
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« Ils ne sont grand que parce que nous sommes à genoux. » – La boétie
« Renverser les mouvements pour voir les vers qui grouillent. »- Pierre Vadeboncoeur.
1760, par la force des armes, les loyalistes anglais s’emparent du commerce de la fourrure au Québec. Ils forment tranquillement l’élite de la société. Les voleurs se transforment en honorables citoyens. Rien n’a changé depuis. C’est ce que prouve La Ripaille. Ce film, représente en lui-même, un fait social global1. Un élément, ou dans ce cas-ci, un évènement dans une société où tout est résumé. Tout est expliqué et tout est clair. Auparavant c’était Le temps des bouffons de Pierre Falardeau. Aujourd’hui, La Ripaille de Moïse Marcoux-Chabot.
Depuis cinq ans2, un souper gastronomique gaspésien est organisé à Montréal et à Québec, afin que politiciens et lobbyistes puissent se rassembler pour célébrer leurs avoirs. «Se gavant de mets délicats et de mauvais jeux de mots, ils se partagent une région en échange de promesses et de millions : Business as usual. Les grandes décisions se prennent à l’abri de la population. » 3 Maurice Quesnel, directeur général de la CCBDC (Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs) inaugure la soirée : « Mêlez-vous de vos affaires … On doit se bouger, pas juste demander ». Les possédants expliquent comment ils possèdent. Les exploiteurs expliquent à leur tour, comment ils exploitent. Un court métrage d’une telle intensité. Chaque image est poignante de vérité. Tout est expliqué sans même que le réalisateur aie besoin d’ajouter un seul commentaire. Les locuteurs s’en chargent. Comment les politiciens et lobbyistes utilisent-ils la machine médiatique pour donner suite à leurs projets? Acceptation sociale. Tous s’accordent, politiciens, lobbyistes, médias. Rien n’y échappe. C’est un film important pour le Québec. Il explique à lui seul, en 11 minutes seulement, la situation économique, sociale et culturelle de la province. Un tour de force de montage vidéo, à un rythme effréné les images et les déclarations chocs se succèdent. Chaque seconde est cruciale. Chaque mot, chaque phrase est porteuse d’un mépris crasse. L’explication la plus élémentaire des agissements des politiciens. Un film vrai, unique et intelligent qui sait saisir le présent. Marcoux-Chabot donne dans le drame documentaire4. Il maîtrise cet art et ce n’est pas la premier qu’il réalise : La ripaille et Le règne de la peur démontrent son génie. Le réalisateur met le doigt sur l’absurdité du présent qui nous entoure. Il l’a capturée et nous la livre en drame sordide, comme il devrait nous être présenté. Une technique de prise sur le vif qui nous surprend. Un mélange d’anthropologie, de journalisme et de documentaire.
Moïse Marcoux-Chabot, un nom à retenir au cours des prochaines années. Le court métrage démontre clairement l’époque de la grande noirceur dans laquelle on baigne.