Dans moins d’un an, les électeurs canadiens seront appelés aux urnes pour choisir leurs représentants à la Chambre des communes. La politique sera toujours la politique. Il y a donc fort à parier qu’au cours des prochains mois, le bon Stephen Harper sortira de sa tanière et verra son ombre pour nous dire que la prospérité, la sécurité et les bons jours arriveront sous peu. Les dollars vont pleuvoir, les prises de conscience environnementales, les pénitents et autres déchirés de remords envahiront l’espace public. La grande séduction quoi! Nous le savons tous. Mais nous laisserons-nous encore berner? Harper aura fait au moins une bonne chose durant son « règne » : les élections à date fixe. Il doit d’ailleurs le regretter à grands sanglots. Justin Trudeau, qui a autant de contenu politique et de substance qu’un compte bancaire le lendemain de Noël, est sur sa lancée. Triste mais salutaire?
Exclure intentionnellement
Nous consacrons le dossier spécial de cette édition à l’exclusion sociale. La politique conservatrice de Harper a tout de la manipulation qui vise à exclure, à diviser, à faire peur à la population : le seul moyen d’éviter un potentiel consensus contre lui. Depuis son accession au pouvoir en 2006, le premier ministre canadien a commencé à exclure les journalistes en refusant de répondre aux questions. Sa réforme de l’assurance-emploi a ostracisé une partie de la population déjà vulnérable, les travailleurs saisonniers par exemple. Le rouleau compresseur a même réussi à faire taire les scientifiques et autres professionnels de la fonction publique canadienne, abolissant du même coup le droit du public à une information objective. Combien de sénateurs, de députés, de ministres et de fonctionnaires a-t-il sacrifiés pour éviter les initiatives personnelles au sein de sa propre garde. Mais l’insulte suprême, c’est à la population qu’il l’a faite, en l’excluant du processus démocratique. Combien de fois il a fait preuve de mépris à l’égard des groupes de pression qui mettent en doute ses politiques! Non seulement, il ne tient pas compte des manifestations et des messages portés par ses opposants, mais les ignore totalement.
Stephen Harper est la preuve vivante que la démocratie est en péril et que les citoyens doivent demeurer vigilants. Rien ne doit entraver ses projets économiques : ni l’environnement ni le bien-être des électeurs.
Quand Platon disait que « l’homme est la mesure de toute chose », il avait déjà l’intuition qu’il fallait croire en nos capacités. Il avait déjà compris que de laisser le pouvoir à d’autres ouvrait la porte au pire vice : mettre l’argent avant l’humain. Nous avons une valeur monétaire aujourd’hui comme électeur. Nous ne sommes pas en démocratie, mais en ploutocratie. Le problème, c’est que le système capitaliste est si bien implanté qu’on arrive à croire qu’il rime avec démocratie. Le pouvoir d’achat est considéré comme un pouvoir décisionnel. Et c’en est un! Ce cercle vicieux s’autorégule. Plus l’argent mène le monde, plus les idées ou les actions destinées à amoindrir ses ravages sont évacuées sans autre forme de procès. Qui croira un jour que le fait de partager les richesses apportera un équilibre, une justice sociale, un mode de vie plus sain, plus écologique même? Certainement pas ceux qui possèdent ces richesses. Et ce sont eux qui dictent les règles, qui s’insinuent dans toutes les sphères de notre quotidien par les médias, la publicité, les communications. Ils arrivent à nous manipuler et on en redemande. Pour être heureux, il nous faut tel ou tel gadget. La plénitude de l’épluche-patates! Quand la masse consomme, elle est heureuse. Quand elle est heureuse, les dictateurs ont le champ libre.
Quand manifester son désaccord ne mène à rien, comment se motiver? On rit de nous et nous… on rit aussi faute de comprendre ce qui se passe dans l’antichambre. Sommes-nous trop incompétents pour comprendre pourquoi les décideurs posent telle ou telle action? Mais c’est sûrement pour notre bien car, il y a quatre ans, nous avons voté pour eux et ils devaient nous représenter. La démocratie, ce n’est pas de voter tous les quatre ans, c’est de veiller au grain chaque jour. Garder un esprit critique. Utiliser sa voix. De toute façon, quand l’argent viendra à manquer, quand la terre rendra son dernier souffle, quand le système de justice jouera son vrai rôle, le vent changera de bord… C’est écrit dans le ciel. Mais d’ici là, la vigilance est de mise pour qu’au moins, si on rit de nous, on sache pourquoi. Reste à espérer que Stephen Harper vit sa dernière année au pouvoir. Mais après… Les traumatismes qu’il aura causés laisseront des traces indélébiles, malheureusement.