On ne présente plus Serge Mongeau, militant infatigable depuis ses débuts en tant que jeune médecin dans le Montréal bouillonnant des années 1960, éditeur et écrivain prolifique, cofondateur des Éditions Écosociété où il a publié une douzaine de livres dont cet opuscule est la dernière livraison. Après une autobiographie retraçant en deux tomes et quelque 500 pages denses et personnelles son parcours remarquable d’homme et de militant, le père de la simplicité volontaire (SV) au Québec revient, de manière synthétique, sur les grands principes qui ont guidé sa vie et sa réflexion.
Celui qui a délaissé l’animation du Réseau québécois pour la simplicité volontaire au profit d’une approche en termes de « décroissance conviviale » se livre pourtant ici à une défense en règle de la SV, philosophie de vie qu’il a faite sienne avant même de lui trouver un nom et qu’il a contribué à faire connaître, mais dont il constate à regret qu’elle est toujours « marginalisée » et « à contre-courant ». Trente ans après la première édition de son livre phare La simplicité volontaire, l’indignation de Serge Mongeau face à ce qu’il appelait alors « le système » est intacte, et son constat pour le moins désabusé : la frénésie de consommation est toujours la norme et les gouvernements sont incapables de mettre en œuvre les solutions que l’urgence de la situation commande (inégalités croissantes, menaces sur notre environnement, notre santé et notre bien-être).
Le format court explique en partie la rapidité avec laquelle est posé le diagnostic, par ailleurs connu des personnes qui ont déjà eu l’occasion de lire ou d’entendre Serge Mongeau. L’objectif affiché dès le titre : S’indigner, oui, mais agir est de s’attarder aux actions qu’il convient de poser face à la crise. Les propositions qui suivent ne sont pas nouvelles. En 1998, Mongeau affirmait que « la simplicité volontaire [était] sans doute l’unique espoir pour l’avenir de l’humanité1 ». Si le ton est aujourd’hui un peu moins péremptoire, la solution mise de l’avant reste la même. La voie qu’il préconise est individuelle (même s’il insiste sur l’importance de la solidarité et des liens communautaires) et culturelle (même s’il estime l’engagement politique nécessaire). Il appartient aux individus conscients de leurs responsabilités d’adopter un mode de vie plus « soutenable » et de convaincre par l’exemple.
On ne trouvera ainsi ni programme ni véritables propositions politiques, à l’exemple de ce que tente le Français Serge Latouche dans son Petit traité de la décroissance sereine2. De fait, S’indigner se lit moins comme un manifeste ou « testament politique », tel que l’annonce la quatrième de couverture, que comme un traité de vie vertueuse ou un petit guide de sagesse pratique dans un monde en crise. Il s’agit, pour celles et ceux qui « cherchent à se libérer d’un système capitaliste dont ils constatent chaque jour les effets pervers », de réduire les tensions entre les contraintes de la vie réelle et les principes auxquels ils adhèrent à travers « de petites actions, à la portée de tous, qui s’intègrent facilement dans notre vie quotidienne ».
On peut tout à la fois être séduit par la posture morale et troublé par le décalage entre la catastrophe annoncée et la voie d’action somme toute modeste décrite une nouvelle fois dans ce petit ouvrage. Les changements attendus tardent à se produire? Que les militants soient plus sûrs d’eux-mêmes et plus bruyants : « les simplicitaires pourraient se voir comme des pionniers dont le rôle serait d’élaborer une société fondée sur des modes de vie qui visent la pérennité […]. Cessons d’être si discrets, osons dénoncer ouvertement les abus de notre civilisation et ne manquons aucune occasion de faire réfléchir celles et ceux avec qui nous entrons en contact ».
Serge Mongeau ne croit pas (plus?) au « grand soir », mais la société hédoniste et égalitaire qu’il appelle inlassablement de ses vœux mérite certainement qu’on y consacre nos petites et plus grandes actions.
Serge Mongeau, S’indigner, oui, mais agir, Écosociété, 2014, 92 p.
- Serge Mongeau, La simplicité volontaire, Écosociété, 1998, p. 16.
- Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, Mille et une nuits, 2008, 171 p.