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L’heure juste sur le bio au Québec

Par Roméo Bouchard le 2014/05
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L’heure juste sur le bio au Québec

Par Roméo Bouchard le 2014/05

En écrivant Les champs de bataille : histoire et défis de l’agriculture biologique au Québec, je voulais premièrement rappeler à tous, avant qu’on ne les oublie, ces pionniers qui ont implanté le bio au Québec à partir des années 1970 et pourquoi ils l’ont fait. Je voulais également dissiper la confusion qu’entretiennent les médias et la publicité autour du bio, qui se trouve noyé sous une profusion d’étiquettes douteuses (nature, santé, local, paysan, rustique, écologique) et présenté comme un marché en explosion. L’enquête sur laquelle j’ai travaillé pendant trois ans m’a mené vers des résultats tout autres et qui ont de quoi inquiéter.

Le constat principal est simple : le bio certifié au Québec n’est plus cette solution de rechange à l’agriculture industrielle dont ses fondateurs avaient rêvé; il est devenu un produit de niche qui, depuis dix ans, plafonne autour de deux pour cent de la production agricole et du marché alimentaire. Si on ajoute les artisans « quasi bio » non certifiés, on atteindrait peut-être 5 %, mais personne ne peut les évaluer ni les répertorier, si ce n’est comme faisant partie de petites entreprises agricoles. Qui plus est, nous importons 70 % de ce que nous consommons et nous exportons 70 % de ce que nous produisons en bio, en raison du peu de volume et de la fragmentation de notre production.

De plus, les 1 000 productions et 300 transformations alimentaires certifiées ne permettent pas de composer un panier d’épicerie puisqu’elles sont concentrées dans des produits souvent marginaux ou d’exportation, comme l’acériculture (400), les céréales (300) et des aliments d’appoint comme la canneberge, les huiles, les herbes, les cosmétiques, etc. On ne compte que 115 fermes laitières (sur 7 000), un peu plus d’une centaine de fermes maraîchères et une soixantaine de producteurs de viandes bio. De plus, les produits bio sont encore difficilement accessibles en dehors des grands centres.

Pourtant, les fondateurs du bio, dont Champs de bataille tente de faire pour la première fois, je pense, la petite histoire, avaient mis en place toutes les bases et les structures qui devaient permettre au Québec de faire une percée majeure en bio.

La cause première de cette déroute relève évidemment des politiques officielles de soutien qui, au Québec, on le sait, obéissent essentiellement au lobby de l’Union des producteurs agricoles, lequel est de plus en plus asservi au lobby des grandes compagnies et des intégrateurs qui dominent l’agro-alimentaire.

Mais certains facteurs relèvent aussi des producteurs biologiques eux-mêmes, qui ont refusé jusqu’ici de se doter d’outils efficaces de défense professionnelle et abandonné à des fonctionnaires la gestion du label et des cahiers de charges bio. Le développement du bio industriel et des labels para-bio ont aussi largement contribué à diluer et à disqualifier le bio authentique et ses dimensions écologiques et sociales.

En fait, cet essai est avant tout un témoignage et un vibrant plaidoyer en faveur de l’agriculture biologique comme seule alternative à l’agro-industrie, qui fonce dans un mur. La grande agriculture, qu’on nous présente comme la seule capable de nourrir le monde, n’a plus d’avenir dans la réalité, car elle est de moins en moins productive et détruit rapidement ses propres bases : les sols, l’eau, la biodiversité, l’immunité, le climat, le lien de proximité avec les communautés, l’agriculteur lui-même.

L’ouvrage comporte une annexe substantielle sur le rapport Pronovost, intitulé : « Un rendez-vous manqué ». Le plaidoyer des Champs de bataille s’inscrit dans le sillon de l’enthousiasme provoqué par la parution l’an dernier du Jardinier-maraîcher de Jean-Martin Fortier (qui signe d’ailleurs la préface) : il paraîtrait que les inscriptions à la formation en agriculture biologique du Cégep de Victoriaville ont récemment triplé! Tout n’est pas perdu.

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