
Aujourd’hui, les fermiers et les fermières représentent seulement 1 % de la population québécoise et canadienne. C’est dans un contexte de plus en plus hostile qu’ils et elles tentent de se maintenir en vie en se regroupant au sein de syndicats agricoles.
Une lutte pour exister
Les mouvements agricoles canadiens émergent du National Grange of the Order of Patrons of Husbandry, communément appelé « Grange », qui fait son entrée au Québec en 1872 après s’être propagé aux États-Unis à un rythme effréné. Après près d’un siècle de luttes menées par diverses organisations de fermiers à travers le pays, l’Union nationale des fermiers (UNF/NFU) est formée en 1969 afin de regrouper les efforts des unions provinciales pour influencer les décisions politiques fédérales en matière d’agriculture. Au Québec, l’Union catholique des cultivateurs (UCC) devient laïque et prend le nom d’Union des producteurs agricoles (UPA) en 1972.
Alors que différentes visions de l’agriculture s’affrontent, les syndicats agricoles compétitionnent entre eux pour conserver ou obtenir le droit de représenter leurs membres. L’Union nationale des fermiers de l’Ontario (NFU-O) a récemment dû contester la décision du Tribunal d’appel de l’agriculture, de l’alimentation et des affaires rurales de l’Ontario qui avait dénié son accréditation en tant que syndicat agricole. Les efforts du syndicat ontarien ont porté leurs fruits, car la Cour supérieure de justice de l’Ontario a récemment décidé de renouveler l’accréditation de l’organisation. Au Québec, l’Union paysanne regroupe des paysans et des citoyens qui en appellent depuis 2001 à la fin du monopole syndical dont jouit l’UPA par la loi de 1972 qui ne prévoit aucun mécanisme régulier de consultation des agriculteurs afin que ceux-ci puissent se repositionner quant à leur affiliation syndicale, ce qui est la norme dans tous les autres secteurs en vertu du Code du travail.
Contre les visées productivistes et exportatrices de la Fédération canadienne de l’agriculture (dont l’UPA fait partie), l’UNF et l’Union paysanne proposent un projet sociétal d’une agriculture comme activité politique, culturelle, écologique, sociale et d’occupation du territoire. Bref, une agriculture ancrée dans des communautés rurales dynamiques et répondant à leurs besoins.
Fermiers et paysans à l’avant-garde
L’Union paysanne et l’Union nationale des fermiers sont les deux organisations canadiennes membres du mouvement international La Via Campesina (LVC), qui regroupe actuellement plus de 200 millions de fermiers, paysans, sans terre, travailleurs agricoles et ruraux, pêcheurs et communautés indigènes de 183 organisations membres dans plus de 70 pays d’Amérique, d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Depuis 1996, LVC propose le concept de souveraineté alimentaire afin de remettre les questions relatives à la production agricole et à la justice sociale au centre des débats sur l’alimentation et l’agriculture, qui sont alors tournés vers la sécurité alimentaire. Ainsi, d’une part, La Via Campesina pose la production agroécologique comme fondement essentiel de la souveraineté alimentaire. Effectivement, il est aussi crucial de se demander qui produit nos aliments et comment ceux-ci sont produits et transformés que de se demander d’où ils proviennent. D’autre part, La Via Campesina considère les discriminations raciales, de genre ou de sexe, de même que les guerres et les conflits comme autant de causes structurelles et structurantes qui, avec les politiques et les institutions néo-libérales, participent à la perte de contrôle démocratique des communautés sur leur alimentation et leur agriculture.
Une réelle politique de souveraineté alimentaire sera celle qui réussira véritablement à développer une agriculture viable, à faire croître le nombre de fermes, et qui fera en sorte que les fermiers n’aient plus besoin de revenus hors fermes pour vivre. Les solutions existent, il ne manque que de la vision et de la volonté politique.