Le blogue du rédac

La forêt et le capital

Par Gérald L'Italien le 2014/04
Image
Le blogue du rédac

La forêt et le capital

Par Gérald L'Italien le 2014/04

Dans cette nouvelle section, le rédacteur en chef du Mouton Noir, Marc Simard, partage avec les lecteurs ses coups de gueule, des textes coup de cœur de collaborateurs et encore plus…

Cette semaine, Marc vous invite à lire le texte de Gérald L’Italien sur la forêt et le capital.

——————-

Notre économie est dominée par un système de production accélérée qui cherche à tout mettre sur le même pied : un mètre cube de bois, un volume de minerai ou un nombre de travailleurs. Toutes ces ressources sont du ressort de la capitalisation et l’entrepreneur consulte son gérant de banque qui lui demandera des garanties hypothécaires.

Prenons l’exemple de la forêt: pour l’usine, pour acheter de la grosse machinerie et garantir sa rentabilité il demandera au gouvernement servile et généreux de lui garantir sur une base quinquennale et exclusive des territoires forestiers riches en essences résineuses (sapins, pins et épinettes) et feuillus pour des fins de transformation en pâtes, papiers et bois d’œuvre. Ce même gouvernement permettra l’accès à la ressource sur une base quinquennale. Et les sous-traitants fixeront les conditions d’exploitation par une négociation serrée, obligatoire et proportionnelle au rendement et qui obligera ces derniers à composer avec des conditions de terrain, des reliefs souvent imprévisibles et dangereux pour la santé et la sécurité. Leur statut est précaire et malléable à souhait. Ce n’est pas la qualité de la récolte qui compte mais la quantité. On a beau peaufiner des plans de coupe sur ordinateur, la réalité du terrain peut-être toute autre. Ainsi, un  ruisseau, une rivière, des aires de confinement de l’orignal ou ravages de chevreuil ou de caribou ne sont pas rentables dans l’« objectif-récolte » qu’est le profit!

Dans les années 1990, la présidente de la Chambre de commerce du Québec, Guylaine Saucier suggéra au gouvernement du Québec des pistes de réflexion pour l’exploitation d’une forêt centenaire d’épinettes noires au nord de l’Abitibi-Témiscamingue. Elle demanda à Québec « de défrayer les coûts de récolte sur une base de liquidation ». Quelques murmures se firent entendre, mais le temps « guérit les tempêtes écolos » et les compagnies sont passées à l’action en douce. Résultat : aujourd’hui il n’y a plus de vieilles forêts semencières et les coupes rases (à blanc) demeurent une pratique cachée mais courante.

La Gaspésie, un cas type

Dans les années 1980, à l’occasion d’audiences publiques sur les arrosages contre la tordeuse des bourgeons de l’épinette, un ingénieur émérite du Centre de foresterie des Laurentides (CFL) a expliqué au Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE) que la forêt de la Gaspésie était la plus productive au Québec. Sur un profil de 50 ans il s’y produisait trois fois plus de matière ligneuse que partout ailleurs.

Ce constat expliquait les coupes abusives qui y ont été effectuées et qui ont provoqué un enrésinement accéléré, le déclin de la forêt mixte ainsi qu’un garde-manger idéal pour les épidémies de tordeuses (TBE). Les feuillus nobles ont pratiquement disparus incluant notre emblème, le bouleau jaune, une essence précieuse qu’on doit maintenant importer du Maine.

Les rendez-vous manqués de 1990 et 1994

En 1990, le Parti Québécois, alors dans l’opposition, prépare un projet inspiré des écrits du sociologue Esdras Minville (1896-1975) qui mise sur un développement multi-inspiré par sa terre natale : la Gaspésie. Minville projetait un développement de la forêt couplé aux pêches et au tourisme pour maintenir l’employabilité maximale et le développement durable et intégré de ces ressources.

Pendant deux mois, le gouvernement du Québec effectue une tournée des régions forestières, tient des consultations avec les MRC, les syndicats, les Associations touristiques, les travailleurs forestiers et l’UPA. Restait ensuite que la formulation de projets types et une loi pour bien ficeler le concept de « forêt habitée ». Une rencontre finale a eu lieu en 1993 à Québec. L’industrie était présente ainsi que les forestiers, les syndicats et des gens du secteur touristique, des préfets et maires, près 200 personnes au total. Un seul absent majeur : le futur premier ministre Jacques Parizeau, le gourou de tous les « râteliers » macro-économiques, qui fut élu l’année suivante en 1994 et devint « amnésique ». Comme disait son ancien chef, René Lévesque: À la prochaine….!  Le projet se retrouva donc sur les tablettes et attendra un éventuel tour de piste.

Partager l'article