Avant d’acheter, tout consommateur intelligent souhaite connaître le prix et savoir s’il en aura pour son argent. Cette précaution est particulièrement importante pour les grosses dépenses, comme une maison qui va durer des dizaines d’années. Les erreurs sont très coûteuses, voire catastrophiques.
Avec le pétrole, le principe est le même. Cependant, il est complexe d’analyser un gisement parce qu’il faut y avoir accès pour estimer son volume. Les évaluations de puits de pétrole conventionnel sont fiables parce que le pétrole et le gaz y sont concentrés dans un réservoir, il suffit de quelques forages pour que le tout se mette à gicler sous pression.
Au Québec, il n’y a pas de pétrole! Il n’y a que des hydrocarbures, comme dans beaucoup de roches sur la planète. Les hydrocarbures sont du pétrole potentiel formé par la décomposition de la faune et de la flore qui ont sombré au fond des océans et qui se trouvent toujours enfouies dans le sable et dans la boue.
Après des centaines de millions d’années se forment des roches poreuses : les shales (schistes). Comme dans une éponge, il peut y avoir des milliards de barils d’hydrocarbures dans des centaines de milliards de tonnes de roche. Mais ces hydrocarbures sont disséminés dans des micropores sur de très grands volumes, et on n’en connaît pas la concentration avant de forer l’éponge.
Les pétrolières ont essayé d’estimer les concentrations d’hydrocarbures et d’extrapoler à l’ensemble du volume de shale avec quelques forages. Elles ont calculé un potentiel de 40 milliards de barils sur Anticosti. Et on retrouve des shales en Gaspésie et tout le long du Saint-Laurent!
Pour exploiter ces hydrocarbures, il faudra presser l’éponge avec des dizaines de milliers de forages qui coûtent chacun au moins 10 millions de dollars. Ce type de forage est extrêmement coûteux parce qu’on utilise la fracturation hydraulique qui consiste à injecter sous pression des tonnes de fluides composés de centaines de produits chimiques toxiques et de quantités phénoménales d’eau. Ces fluides sont destinés à fracturer la roche, à maintenir les fractures ouvertes et à dissoudre les hydrocarbures pour les libérer des micropores et les récupérer. Ensuite, les fluides sont traités de façon à en extraire les hydrocarbures et à en tirer le pétrole. Ces fluides contiennent des acides, des produits cancérigènes et radioactifs, toxiques pour la santé et l’environnement.
Malgré toutes ces opérations, on ne récupérera que 1,5 % des hydrocarbures et on ne récupérera pas la totalité des fluides toxiques injectés. Après deux ou trois ans de contamination environnementale, comme il ne sera plus rentable d’exploiter à un même endroit, on bouchera le trou avec du béton et on abandonnera le site. Les fluides toxiques cancérigènes en circulation dans l’environnement vont emprunter les fissures artificielles et naturelles pour atteindre les nappes phréatiques dans lesquelles nous puisons notre eau potable. Les plantes, les animaux et les humains consommeront cette eau contaminée.
Dans la roche, les fluides de fracturation, les gaz et les hydrocarbures rempliront les fractures. La pression augmentera et le béton finira par se fissurer et libérer le gaz naturel, du méthane qui est un gaz à effet de serre 25 fois plus dommageable que le CO2 émis par nos voitures à essence. La fracturation va accélérer le réchauffement climatique et les catastrophes environnementales qui ont déjà coûté 125 milliards de dollars de dommages matériels en 2013, sans compter les pertes de vies humaines1.
À Anticosti, il faudra 12 000 forages à 10 millions de dollars chacun, ce qui représente 120 milliards de dollars, pour contaminer l’environnement en n’extrayant finalement que 1,5 % des 40 milliards de barils de pétrole, soit 600 millions de barils. À 100 $ le baril, cela équivaut à 60 milliards de dollars. Si nous soustrayons le coût des forages (120 milliards), nous obtenons au final une dette de 60 milliards.
Pourquoi les pétrolières et les lobbies tentent-ils de convaincre le gouvernement de s’engager sur cette voie? Parce que les pétrolières jouent à la bourse et sont subventionnées par nos impôts et nos taxes! Ce sont donc les citoyens qui paieront pour que l’environnement et le climat soient contaminés, en déboursant plus de deux dollars pour chaque dollar investi dans le pétrole québécois et ses technologies primitives.
N’aurait-il pas été plus rentable d’investir 60 milliards dans l’électrification des transports et les énergies renouvelables au lieu des 516 millions annoncés le 1er novembre par le gouvernement du Québec? Il a été maintes fois prouvé que chaque dollar dépensé dans les énergies renouvelables et dans les technologies de pointe rapporte 10 dollars à l’économie.
Exigeons de savoir combien va coûter le pétrole au Québec. Combien vont coûter les déversements, les catastrophes environnementales et la décontamination de l’environnement? Parce qu’après avoir fait des dizaines de milliers de forages, le Québec sera « troué comme un gruyère » et ne sera plus jamais comme avant.
- « Les catastrophes naturelles moins coûteuses en 2013 », La Presse, 7 janvier 2014, www.lapresse.ca/actualites/environnement.