
Avec Mémoire maudite, sa plus récente proposition parue le 25 novembre dernier, Michel Faubert poursuit son travail d’historien et d’ethnomusicologue tout en faisant un clin d’œil en miroir à son premier album de 1992, Maudite mémoire. Accompagné dans l’entreprise par André Marchand et Dominique Lanoie, il livre avec un grand souci d’authenticité des pièces du folklore francophone. Arrangées sobrement, on peut supposer qu’elles se rapprochent des versions originales, tout en profitant des avantages de la modernité, prenant ici la forme d’une interprétation professionnelle et d’une réalisation étoffée.
Dommage toutefois que le livret n’inclue pas les textes. Les chansons racontent des histoires sombres, souvent prenantes, mais l’intonation ne permet pas de tout discerner : avoir les paroles devant soi aurait certainement bonifié l’écoute. Autre bémol d’ordre technique : on entend presque tout à gauche, à l’exception de quelques lignes de guitare. Enfin, la forme strophique de la plupart des chansons force la musique à une certaine stabilité de couplet en couplet, ce qui donne parfois une impression d’immobilité. Malgré tout, on a affaire à une production de qualité et agréablement surprenante à plusieurs égards : par exemple « Buvons mes bons amis » (« Apprise dans les années 70 d’un monsieur Meloche cultivateur à la retraite du rang Quinchien »), une chanson à boire plus mélancolique que festive qui se conclut par un texte de Jérôme Minière. Également surprenantes : l’harmonisation riche de « Alexandre » et de « Dans le bois vert et la vallée » et l’adaptation d’une chanson galloise du VIe siècle « La vieillesse ». Mémoire maudite est un excellent remède à notre mémoire culturelle parfois défaillante, et un porte-étendard d’une tradition orale qui mérite d’être enregistrée avec soin pour ne pas qu’elle meure.