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L’égalité autrement

Par Suzelle Lambert le 2013/11
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L’égalité autrement

Par Suzelle Lambert le 2013/11

Les données colligées par la Table de concertation des groupes de femmes du Bas-Saint-Laurent à la suite des élections municipales de 2005 et 2009 démontrent que non seulement il est plus difficile pour les femmes que pour les hommes d’accéder aux conseils municipaux, mais qu’il est également plus ardu pour elles de se maintenir en poste. Il est trop tôt pour savoir si les données de 2013 viendront valider nos hypothèses, mais déjà, des groupes de discussion menés auprès d’ex-élues nous donnent des pistes pour comprendre la faible proportion de renouvellement de mandat chez les femmes1 Tout un plan d’action et de communication réalisé conjointement avec les centres de femmes de la région et la Commission jeunesse nous a permis d’accompagner les femmes et les jeunes dans leur cheminement politique. Ce genre de stratégies a permis jusqu’ici de faire progresser le taux de représentation des femmes dans le monde municipal, mais au-delà de la parité, c’est à un changement de culture politique que les femmes aspirent. Elles veulent que l’égalité se conjugue autrement dans les façons de faire. C’est du moins la vision qui se dégage des témoignages recueillis.

Motivations et aspirations des femmes en politique

La socialisation des femmes, axée principalement sur le devoir de prendre soin des autres, se répercute à l’extérieur de la vie domestique, jusque dans leur engagement politique. Ce qui est commun pour la grande majorité des personnes rencontrées, c’est le besoin de s’impliquer dans le développement de leur communauté, de faire avancer les choses, d’aider les autres. L’abnégation des femmes est sans aucun doute un avantage pour le monde politique, mais les femmes y trouvent-elles leur compte ?

Alors que leurs collègues masculins semblent plus sensibles au prestige lié à une position hiérarchique élevée, pour certaines élues, la politique (le pouvoir ?) revêt une connotation moins noble que le don de soi. Elles gardent une certaine réticence à assumer l’autorité, ce qui nous interroge sur la relation que les femmes continuent d’entretenir avec le pouvoir.

Les obstacles de nature structurelle (les règles du jeu)

Parmi les principaux obstacles mentionnés, les participantes aux groupes de discussion parlent principalement de la lourdeur du système municipal, de sa lenteur administrative quant à la prise de décision. La rigidité de la structure, les protocoles, les procédures et façons de faire du conseil leur apparaissent rébarbatifs et peu propices à susciter la participation citoyenne.

À l’origine, la structure municipale a été pensée pour des hommes qui n’avaient pas à assumer les responsabilités familiales. Cette structure a-t-elle suffisamment évolué pour permettre aux jeunes parents de s’impliquer en politique sans hypothéquer lourdement leur qualité de vie ? La faible rémunération des élues et des élus, en particulier dans les petites municipalités, est un autre obstacle pour plusieurs qui doivent assumer la responsabilité familiale en plus du travail professionnel et de l’engagement politique. La structure hiérarchique des conseils municipaux et de la municipalité peut aussi poser problème. Plusieurs femmes ont en effet été confrontées à l’autorité excessive d’un maire, d’une directrice ou d’un directeur général.

Obstacles de nature culturelle (la socialisation)

Pour bien des femmes, le relationnel a une importance fondamentale. Elles ont un plus grand besoin de satisfaire tout le monde, craignent davantage les conflits et par conséquent sont plus perfectionnistes et conciliantes. Ce besoin d’être appréciées les rend sans doute plus vulnérables. En effet, elles manquent de confiance en elles-mêmes et en leurs compétences et les hommes adhèrent facilement à cette perception, ce qui entraîne des attentes élevées vis-à-vis des femmes et, chez elles, la peur du jugement.

En plus des difficultés avec les rôles d’autorité, la compétition, le manque de solidarité entre pairs, les femmes relèvent aussi de l’agressivité parmi les membres du conseil qui se livrent parfois à de véritables « combats de coqs ». Dans les situations de conflits, certaines ont tendance à endosser spontanément (ou se sentent obligées d’endosser) un rôle de médiatrice, suspendant ainsi leur liberté de parole et leur participation au débat.

La politique autrement

Les femmes affirment retirer beaucoup de leur passage en politique municipale, mais elles entretiennent une certaine distance vis-à-vis des structures politiques formelles. Le pouvoir traditionnel, axé sur la hiérarchie, la compétition, la confrontation, la puissance, correspond moins à leur savoir-faire plutôt orienté vers le partage, la coopération, la solidarité, la justice.

À la politique comme institution, elles préfèrent le politique, c’est-à-dire l’organisation de la vie dans son ensemble, incluant le privé, le public, le payant et le nonpayant, l’affectif et l’intuitif, bref, l’art de vivre ensemble. Ces valeurs ne sont certainement pas exclusives aux femmes ; de nombreux hommes les partagent aussi et les mettent de l’avant. D’autres groupes marginalisés ont aussi du mal à se faire entendre dans les structures actuelles, c’est pourquoi il faut élargir la culture politique de façon à y intégrer le savoir-faire des femmes et des autres groupes marginalisés. Les femmes ne sont pas meilleures, elles sont nécessaires.

  1. Pour consulter le rapport complet : Table de concertation des groupes de femmes du Bas-Saint-Laurent, Réflexion pour le maintien en poste des élues municipales, septembre 2012, www.femmes-bsl.qc.ca.

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