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Au village des valeurs, le diable est aux vaches

Par Christine Portelance le 2013/11
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Au village des valeurs, le diable est aux vaches

Par Christine Portelance le 2013/11

Que d’agitation ! On déchire métaphoriquement ses vêtements sur la place publique : les belles-mères, Taylor, Mourani et compagnie. Couillard jure qu’on va devoir lui passer sur le corps. La CAQ ? Bof, un pétard mouillé. Dans les réseaux sociaux, les racistes, xénophobes, islamophobes et tutti quanti fusent. Les excès finissent toujours par donner un haut-le-coeur qui rime ici avec valeur.

Quand on écoute le débat entre féministes, on voit bien que discuter à partir de postures idéologiques divergentes ne mène à rien, sauf à rester sur son quant-à-soi. Quant à la position légaliste de la Commission des droits de la personne, on constate que l’effet « charte des droits et libertés », c’est le tout à l’individu et rien pour la responsabilité collective. Néanmoins, si les signes ostentatoires n’étaient que croix, kippa, turban et kirpan, le débat serait assurément moins houleux.

Ce voile… de pandore

Dans les régimes islamistes, il n’y a pas de séparation entre l’État et la religion, le concept de laïcité n’existe pas. On ne peut ignorer que lorsque le voile (ou la burqa) est imposé aux femmes, il a une forte charge symbolique ; il signifie clairement que les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes, c’est donc une partie de leur humanité qui est ainsi niée. Non, Monsieur Parizeau, ce n’est pas qu’un simple foulard !

Le hijab n’est pas un symbole religieux imposé par le Coran. D’ailleurs, la majorité des musulmanes au Québec ne le portent pas. Et qui plus est, lorsque des journalistes se rendent dans des pays où l’intégrisme règne, il n’est pas rare qu’elles doivent le porter par mesure de sécurité. Vous souvenez-vous d’une Céline Galipeau voilée ? J’ai souvenir d’une députée d’ici à qui on a remis un foulard et un long survêtement dès sa descente d’avion alors qu’elle était en mission officielle en Iran. Le problème n’est pas la foi en tant que telle, mais l’intégrisme et les symboles de l’intégrisme.

Celles qui portent le voile au Québec, une minorité de musulmanes, choisissent de le porter par piété, par souci esthétique ou par identité culturelle. Mais qu’en est-il des petites filles voilées ? Combien de ces petites filles se sont fait dire que sans le voile, elles seraient indignes ou impures ? Qu’apprend-on à leurs frères, à leurs cousins au sujet du voile ? Voilà un véritable sujet d’étude pour Miville-Dechêne. Dalila Awada, qui le porte par coquetterie, affirme qu’elle n’a pas à être responsable de ce qui se passe en Afghanistan. Et après moi le déluge ! Comme si un individu pouvait seul effacer une charge symbolique d’oppression.

Le svastika, « bonne fortune » en sanskrit, est un symbole plusieurs fois millénaire. Imaginez un enseignant hindou arborant un vêtement brodé d’une telle croix, qui représente le dieu Ganesh dans sa religion, ou un enseignant bouddhiste avec dessiné sur le crâne ce qui est pour lui le symbole de la roue du Dharma. Je vous laisse deviner le tollé de protestations. Il aura suffi en effet que cette croix devienne en Allemagne pendant quelques années le symbole d’une monstruosité : le déni d’humanité de millions de Juifs pour que les connotations négatives entachent à jamais la croix gammée.

J’aimerais bien que le hijab ne soit qu’un joli foulard, mais ce n’est pas le cas. Et le Québec ne vit pas dans une bulle. Mon voeu le plus cher serait que ces Québécoises qui sont libres de porter le voile, par piété, par souci esthétique ou par identité culturelle, aient également un sens de la liberté leur permettant de laisser leur voile au vestiaire avant d’entrer dans une salle de classe. Comme affirmation de leur liberté. Par solidarité pour leurs coreligionnaires de par le monde qui sont, elles, privées de leur liberté, mais surtout comme contribution à un message clair : jamais au Québec, on n’acceptera que l’on puisse dire à une petite fille que, sans voile, elle est indigne ou impure.

Liberté de porter le voile et liberté de l’enlever dans certaines circonstances. Parce que la liberté ne va pas sans responsabilités. La pensée symbolique étant au coeur de la communication humaine, on ne peut s’en abstraire à titre individuel à moins de se complaire dans le dialogue de sourds. La liberté n’est pas une simple question de confort personnel, ni une marque de yogourt.

Le chemin de la liberté n’est jamais la voie facile, mais cela, ici, on le sait depuis longtemps.

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