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Pour les dépôts institutionnels !

Par Jean Bernatchez le 2013/07
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Pour les dépôts institutionnels !

Par Jean Bernatchez le 2013/07

La diffusion universelle des connaissances, grâce au libre accès aux publications scientifiques, se heurte à l’action de quelques entreprises de l’édition qui s’enrichissent aux dépens des travailleurs du savoir et des institutions publiques qui les emploient. La solution est plus simple qu’il n’y paraît, et les universités québécoises se sont récemment engagées dans cette voie : la création de dépôts institutionnels. Reste à convaincre les chercheurs que le libre accès est la solution qui sert le mieux leurs intérêts et ceux des populations qui croient en la pertinence de leurs travaux pour changer le monde.

Les Robin des Bois du libre accès

En 2012, au moment où le Québec vit son printemps érable, le milieu scientifique international connaît son printemps universitaire (academic spring) avec l’initiative d’un brillant mathématicien anglais, Tim Gowers, devenu depuis Sir Timothy Gowers. Sir Tim a lancé un appel au boycottage de la maison d’édition Elsevier, motivé par trois raisons : 1) le coût prohibitif d’abonnement à ses revues (les universitaires y contribuent gracieusement et les universités les achètent à gros prix, car leurs professeurs en ont besoin pour écrire d’autres articles qu’ils fourniront tout aussi gratuitement à l’éditeur) ; 2) sa politique d’abonnement groupé selon le modèle des bouquets offerts par les câblodistributeurs (pour obtenir une revue, on doit se payer un florilège d’autres revues moins pertinentes) ; 3) l’appui d’Elsevier à des projets de loi américains (Protect IP Act et Stop Online Piracy Act) visant à contrer l’essor du libre accès (les républicains parlent plutôt d’un élargissement de l’application du droit d’auteur). Elsevier n’est ni pire ni meilleure que ses concurrents, mais dans le contexte, elle devient l’incarnation du mal scientifique, le shérif de Nottingham de cette épopée où Gowers porte le carquois de Robin des Bois. Elsevier réagit en faisant de vagues promesses, mais elle engrange toujours annuellement plus d’un milliard de dollars de profits.

Que dire aussi de la saga d’Aaron Swartz, petit génie de l’informatique et militant du libre accès ? On lui doit plusieurs innovations de rupture, c’est-à-dire des idées et des produits qui bouleversent le marché en rendant caduque la précédente technologie dominante. À 14 ans, Swartz participe à la création des flux RSS. En 2011, il s’approprie illégalement cinq millions d’articles scientifiques du système d’archivage en ligne JSTOR dans le but de les rendre accessibles gratuitement. Il choisit finalement de remettre les disques durs contenant les articles à JSTOR, ce qui n’a pas empêché le procureur du Massachusetts de le traduire en justice.

Les uns souhaitent privatiser les connaissances qui y sont générées pour en tirer des profits financiers pour eux et pour l’institution ; les autres considèrent pareille initiative comme un détournement de la mission universitaire. Sur la question du libre accès, ce sont les universitaires plus que les universités qui font preuve du plus de résistance. L’Université Harvard, pourtant une des institutions de haut savoir les plus riches au monde, a transmis en 2012 à ses professeurs un mémo les encourageant à utiliser la voie du libre accès. Les organismes subventionnaires invitent aussi ouvertement les chercheurs à privilégier le libre accès.

Pour les dépôts institutionnels

Un dépôt institutionnel est un recueil numérisé de la production intellectuelle d’une institution. Les documents produits par les chercheurs y sont déposés, recensés, organisés et mis en ligne gratuitement et sans restriction. Gallica de la Bibliothèque nationale de France alimente un dépôt depuis les années 1990. Bibliothèque et Archives Canada, depuis 1996, et Bibliothèque et archives nationales du Québec, depuis 2001, disposent aussi d’une telle banque. Du côté des universités québécoises, Papyrus de l’Université de Montréal et Archipel de l’UQAM existent depuis 2005. Les autres universités se sont inscrites dans le mouvement récemment, notamment l’UQAR en 2012 avec Sémaphore. Le fait de déposer une réalisation scientifique dans un dépôt institutionnel garantit une meilleure diffusion puisqu’elle est repérable grâce aux moteurs de recherche conventionnels. Cela contribue au rayonnement du chercheur, de ses travaux et de son université. Il est aussi permis de loger dans les dépôts des articles déjà publiés dans les revues traditionnelles. La plupart d’entre elles demandent seulement un délai avant l’archivage d’un article publié, généralement six mois ou un an. L’Université de Liège a fait un pas de plus dans la voie du libre accès en reconnaissant, aux fins de promotion de carrière, les seules réalisations de recherche logées dans Orbi, son dépôt institutionnel. Son idée est actuellement reprise par plusieurs autres universités d’Europe. Les universités québécoises emboîteront-elles le pas ?

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