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Les élections, qu’ossa donne ?

Par Roméo Bouchard le 2013/07
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Les élections, qu’ossa donne ?

Par Roméo Bouchard le 2013/07

C’est dans un climat de crise démocratique sans précédent que s’amorce l’année de toutes les élections au Québec : élections municipales le 3 novembre prochain, dans toutes les villes et municipalités du Québec, y compris Montréal et Laval ; élection provinciale anticipée, vraisemblablement le printemps prochain ; et qui sait quoi d’autre ! Il n’est pas exagéré de dire que les révélations de la commission Charbonneau, d’une part, et l’échec du gouvernement minoritaire du Parti québécois, d’autre part, nous placent, comme citoyens, dans une situation désespérante face à toutes ces élections. Le train du vote stratégique est reparti de plus belle.

Que valent les élections ?

En multipliant les appels à rétablir la confiance sous prétexte que la corruption n’est le fait que d’exceptions, les élus et les commentateurs se cachent et nous cachent le vrai problème. Ce que les systèmes de collusion et de corruption mis à jour remettent en cause, ce n’est pas seulement l’intégrité de certains individus, c’est la validité de ce qui est au cœur de notre système démocratique de représentation : les élections et les partis politiques. Du moment que les partis ont besoin de beaucoup d’argent pour se faire élire et se maintenir au pouvoir, nous ne pouvons l’ignorer désormais, il est inévitable que se crée une collusion systématique entre les partis politiques et les entrepreneurs. La collusion et la corruption ne sont pas des accidents de parcours ou des exceptions : elles font partie de la structure même de notre système électoral et représentatif. La proximité et les renvois d’ascenseur entre les élus et les entreprises sont à la base d’un contrôle complet de notre démocratie par les intérêts privés.

Les municipalités, surtout les grandes villes, étant responsables des services de proximité (aqueducs, égouts, rues, incendies, urbanisme, déchets, déneigement, développement résidentiel, etc.), sont particulièrement vulnérables à la collusion. Dans les plus petites villes ou municipalités qui ne donnent pas de gros contrats, on peut penser que la collusion n’existe pas comme telle, mais elle prend la forme de conflits d’intérêts où s’entremêlent les intérêts familiaux, privés, corporatifs et publics, comme on peut le constater lors du développement de projets comportant des impacts sur la qualité de vie des citoyens, tels les porcheries industrielles, les mini-barrages, les parcs éoliens, les développements résidentiels ou routiers, etc. Le manque de financement chronique incite également les municipalités à favoriser par tous les moyens les développements susceptibles d’apporter de nouveaux revenus à la municipalité.

Une démarche constituante

On voudrait nous laisser croire qu’on peut circonscrire la corruption et la dilapidation de nos ressources par des codes d’éthique ou des lois sur le financement des partis politiques, sur l’attribution des contrats et sur les redevances. Mais ce qu’on nous propose est improvisé, partiel, inefficace et facile à contourner, sachant que les partis politiques ont besoin de beaucoup d’argent.

Toutes ces règles demeureront insuffisantes tant que les représentants qu’on élit ne seront pas vraiment libres et n’auront plus les mains liées à un parti et à ceux qui le financent. Et cela ne sera possible que si on accepte de s’engager dans une réforme en profondeur de nos institutions démocratiques pour redonner un pouvoir réel aux citoyens et à leurs représentants, ce qui implique une remise en question du rôle et même de l’existence des partis politiques dans le processus électoral et parlementaire, de la façon de désigner nos représentants (élection, scrutin proportionnel ou tirage au sort), du rapport de l’Assemblée législative à l’exécutif, des mécanismes de participation directe (consultations, initiatives populaires, rappel des élus, chambres citoyennes, etc.), enfin, des pouvoirs, des ressources et de l’imputabilité des gouvernements et instances territoriales, etc.

Tous les partis en présence veulent imposer leur idéologie et leur plateforme électorale, mais aucun d’eux ne propose, à la base, cette remise en question démocratique et non partisane des règles du pouvoir. Tout comme aucun des partis politiques ne propose une remise en question du dogme de la croissance illimitée de la production et de la consommation qui domine la vie économique et sociale, et génère une empreinte écologique déjà bien au-delà de la capacité de support de notre planète, ne serait-ce que sur le plan des changements climatiques.

Seul le peuple souverain pourrait remettre la démocratie sur ses pieds, dans le cadre ordonné d’une assemblée constituante non partisane, composée de citoyens tirés au sort, mandatés et outillés pour rédiger une constitution et la faire adopter par référendum. Mais il faudrait que ce soit nous, citoyens, qui l’exigions, envers et contre tous les moyens déployés par les partis conventionnels pour imposer leurs vues. Selon Étienne Chouard : « La démocratie, pour qu’elle advienne, il faut qu’on la veuille vraiment, il faut un vouloir populaire constituant. »

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