Rule, Britannia
Le 15 février 1839, Chevalier de Lorimier s’écria avant de mourir sur l’échafaud : « Vive la liberté, vive l’indépendance ! » Je m’adresse en son nom à madame Suzanne Tremblay. J’apprécierais que vous éclaircissiez dans mon esprit un fait troublant. Vous avez accepté la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II en janvier dernier. Comment conciliez-vous cela avec vos onze années à siéger sous les couleurs du Bloc québécois ? En quoi être une « bonne Canadienne » et « loyale sujette de Sa Majesté » telle une Elvis Gratton du « star system » monarchique s’accorde-t-il avec vos convictions souverainistes ? Au fait, êtes-vous encore souverainiste ?
Stephen Harper se sert de l’appareil gouvernemental pour réaliser ses fins. Aux symboles canadiens « trop rouges » (Charte des droits et libertés, soins de santé universels, missions de paix à l’étranger) succèdent l’austérité, la reine et une armée « bleue ».
Tout accepter revient à tout subir. Cette médaille, produite en 60 000 exemplaires et distribuée au coût de 7,5 millions de dollars, fait partie de l’offensive monarchiste des conservateurs au même titre que les festivités (28 M $) entourant le bicentenaire de la guerre de 1812. Ils élèvent l’âge de la retraite et coupent actuellement l’assurance-emploi de travailleurs qui n’ont pas votre fonds de pension ! Ex-syndicaliste, vous démontrez un manque flagrant de solidarité. Présidente de la Coalition Urgence Rurale et de la Coalition régionale contre la réforme de l’assurance-emploi, vous faites preuve d’une remarquable incohérence.
« Avoir la tête à Papineau »
Ces célébrations exubérantes, jubilatoires, furent dénoncées par le Bloc québécois et certains élus néo-démocrates pour ce qu’elles sont : propagande et « symbole de colonisation » (Maria Mourani). Ce « gaspillage » (Élisabeth Fleury) « ne correspond tout simplement pas aux valeurs du Québec » (Louis Plamondon). Soucieux d’entretenir un cercle d’amis influents, le député Guy Caron exécute pourtant la volonté de Stephen Harper et dévoie ses compatriotes.
L’esprit est prompt, mais la chair est faible. Trente personnalités de chez nous « jouissent » d’une distinction rétrograde. La présidente du conseil d’administration du Mouton NOIR, Colombe St-Pierre, figure sur la liste . Ces hommes et ces femmes savent-ils seulement assumer leurs engagements fédéraliste et monarchiste qui font d’eux des Lise Thibault en herbe ? Enfin, ne nous abusons pas. Dans toute cette mascarade, la plus désinvolte demeure vous, Suzanne Tremblay.
J’ai reçu la nouvelle comme une gifle. C’est une erreur de jugement. Imaginez Jean Chrétien ou Stéphane Dion accepter une décoration de la Société Saint-Jean-Baptiste ! Vous êtes la première souverainiste monarchiste que je connaisse. Jusqu’où va votre consentement ?
« Le temps des bouffons »
Vous semblez croire qu’il est possible d’être souverainiste à Québec et fédéraliste à Ottawa ou vice versa. Une chatte y perd ses petits à vous voir « manger à tous les râteliers ». Vous devez une explication à ceux qui vous ont fait confiance et qui, aujourd’hui, ne comprennent rien à votre attitude.
Honorer la reine n’est pas un jeu. L’acte porte à conséquence. Que les journalistes aient transmis l’information sans sourciller et que cela passe « sous le radar » de l’opinion publique en dit long sur la dépolitisation de notre société.
Petit rappel à la gauche multiculturaliste et à la droite libertarienne, jumeaux idéologiques du libéralisme radical : si être citoyen du monde est une chose, l’enracinement politique nécessite que l’on ne puisse pas changer d’identité comme de chemise. N’en déplaise à Mme Colombe St-Pierre et à l’équipe du « Royal Sheep », les nations existent encore.
En bref, Madame Tremblay, participer à notre aliénation en « tétant les honneurs » est vanité. La médaille vaut 60 $. Serait-ce votre prix ? Et l’Histoire (pendaison des Patriotes, coup de force de 1982, déportation des Acadiens), vous y avez pensé ? Retraitée, vous exercez votre liberté à perpétuer nos chaînes.
Le journal Voir du 22 mai 2008 rapporte qu’en cuisine la chef St-Pierre « milite contre le gaspillage ». Quelle ironie !