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MOOCs: Quelques bémols

Par Jean Bernatchez le 2013/05
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MOOCs: Quelques bémols

Par Jean Bernatchez le 2013/05

Les « Massive Open Online Courses » (MOOCs) sont le phénomène de l’heure en enseignement supérieur. Imaginez : des cours universitaires offerts gratuitement à distance selon un mode qui favorise le partage et la collaboration. Trop beau pour être vrai ? Peut-être, au risque de paraître rabat-joie.

Sur le plan de la rigueur, Steve Kolowich dans The Chronicle of Higher Education de mars 2013 révèle les résultats d’un sondage mené auprès des 184 professeurs ayant offert des MOOCs. Si 79 % des répondants croient que l’enthousiasme face au phénomène est justifié, la majorité d’entre eux (72 %) estime que les étudiants ayant réussi le cours ne méritent pas de crédits. De plus, 52 % de ces professeurs jugent que leur MOOC n’est pas aussi rigoureux que la version du même cours offerte en classe. Patrick Giroux de l’UQAC, auteur de nombreuses recherches sur les technologies de l’information et de la communication pour l’apprentissage, croit pour sa part que les MOOCs ne répondent pas aux besoins de formation de la majorité des apprenants parce que ceux-ci ne maîtrisent pas les compétences informationnelles requises. La preuve : le taux astronomique d’abandons enregistré dans ces cours. Aussi, l’évaluation des apprentissages constitue l’écueil, alors que les risques de tricherie sont grands. Comment être sûr que la personne qui obtiendra les crédits est celle qui aura réussi les évaluations ?

Sur le plan de la pédagogie, Normand Baillargeon de l’UQAM, dans le journal Voir de février 2013, met en relation le phénomène des MOOCs avec les sept étapes du processus d’apprentissage définies par le philosophe Hubert L. Dreyfus : (1) novice, (2) débutant avancé, (3) compétence, (4) grande compétence, (5) expertise, (6), maîtrise et (7) sagesse pratique. Ce philosophe néanmoins technophile, qui a signé l’ouvrage On the Internet en 2008, demeure sceptique quant au degré d’apprentissage qu’il est possible d’atteindre dans le contexte de ces cours : « Les zélateurs de l’enseignement à distance […] doivent comprendre que seuls des êtres humains incarnés, impliqués et sensibles peuvent devenir compétents et experts et que ceux-là seuls peuvent devenir des maîtres. » Les MOOCs en conséquence ne seraient adaptés qu’au stade d’apprentissage novice et débutant avancé.

Sur le plan économique, on connait cette maxime : « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit ! »

Sur le plan économique, on connaît cette maxime : « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit ! » Les réseaux sociaux nous confrontent quotidiennement à cette évidence. Pour plusieurs observateurs, les MOOCs sont une vitrine publicitaire pour les universités les plus prestigieuses, afin que leurs pratiques soient reconnues et consacrées comme des modèles. Ry Rivard du Inside Higher Education a mis au jour les clauses du contrat entre Coursera, l’entreprise numérique qui regroupe ces cours, et ses universités partenaires, exclusivement membres de l’Association of American Universities. Ces clauses excluent 99 % des universités et des collèges américains. Dominique Boullier de l’université Sciences Po à Paris met en évidence la dynamique d’uniformisation à l’oeuvre, une forme de traduction du néolibéralisme dans l’enseignement supérieur : ce qui est désiré, c’est du savoir en boîte immuable et formaté pour l’apprentissage standard des compétences utiles dans le contexte d’une économie mondialisée. Dès lors, on fait fi des variations locales. Lors du Forum mondial de Davos de janvier 2013, le phénomène des MOOCs a été abordé. Ce forum regroupe des dirigeants d’entreprises et des responsables politiques qui discutent des grands enjeux mondiaux. Klaus Schwab, son fondateur, dans un article du Devoir de janvier 2013, rapporte qu’il n’existe aucune solution de rechange au capitalisme et qu’il faut miser, pour améliorer le monde, sur l’entreprenariat et la compétitivité. Parions que ce qui intéresse les membres de ce club sélect, ce n’est pas tant de rendre accessible au plus grand nombre un savoir qui les rendra libres et critiques, mais plutôt de saisir les occasions d’affaires qui se profilent.

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